Un bip aigu régulier, des voitures accélèrent, l’une klaxonne, derrière moi deux hommes discutent dans une langue que je ne comprends pas, à certaines de leurs intonations et au prénom Rachid, j’imagine que c’est de l’arabe, à la radio un morceau de musique, je le distingue sans le reconnaître, le refrain dit «Get, get, get» puis la guitare joue de plus en plus vite, deux filles passent en causant, l’une d’elle traine une valise aux roulettes sonores, le bus freine, le ronflement du moteur à l’arrêt est constant, au moment où il redémarre il émet le son « pshitt » avec une forte intensité, William de Belleville arrive, il lance un bonjour à la cantonade et prononce bakbakbakbak en continu sur 4 temps renouvelés, il respire et recommence, ce qui équivaut à 4 croches et 1 soupir, 4 croches et 1 soupir, 4 croches et 1 soupir, un groupe d’enfants traverse la rue, mélange de voix plutôt aiguës, avec quelques cris pointus, et des volumes différents, devant moi il se lève rapidement, sa chaise en plastique racle le sol, elle fait un bruit sourd qui se prolonge, il lance deux pièces de pourboire sur la table guéridon au plateau imitation marbre ça fait kling, kling, de l’autre côté un jeune homme, sur la chaussée lâche son skate, cela provoque un bruit fort et sec il monte dessus dans un même élan, des freins de vélo couinent, elle dit à sa copine (enfin à celle qui boit un café avec elle) «c’était super pendant le premier confinement j’avais dévoré les deux premières saisons», la sonnerie du bus retentit deux fois, un camion ralentit, s’arrête et lâche de l’air d’un coup sec comme un gros pet sonore, à la radio un groupe de jazz joue sur un rythme effréné, une voix féminine rivalise avec les instruments, bruits de chaises que le serveur range autour des tables, William est de retour avec son bakbakbakbak, un camion de poubelle démarre dans une accélération bruyante, le claquement des talons des chaussures en cuir d’une femme qui court en traversant la rue en dehors du passage clouté, un homme pousse des cris indistincts et sourds, à la radio une publicité: la voix saccadée d’un homme soutenue par 3 notes répétitives, à côté de moi deux hommes assis, face à la rue, devisent dans une langue étrangère, comme un ronronnement, le volume de leurs voix est accordé, la parole est justement répartie entre eux, l’un à une voix légèrement plus aiguë, un troisième homme les rejoint pose sa tasse de café sur le guéridon en faux marbre et la petite cuillère cliquette contre la tasse, bruit de plastique chiffonné lorsqu’il sort son paquet de tabac de sa poche et qu’il l’ouvre, il décroche son téléphone qui n’a pas sonné, il a juste émis plusieurs flashes lumineux (effet stroboscopique), il parle dans une langue que je ne comprends pas.
Et je me dis que je suis seule à avoir entendu et retenu ces différents bruits, dans cet ordre, à cet endroit, à cette heure, seule comme pas deux.
Bonjour Cécile, j’aime bien ton texte car on voit et on entend ce que tu racontes.
merci Mathilde pour ta lecture et ton attention
Je me fais une petite balade dans tes textes.Très concret celui-là en effet,on perçoit une attention au rythme, à la musique et à la durée des bruits, des bruits comme des notes, l’attention aux bruits de fond qui se prolongent et aux bruits qui viennent par dessus, peut-être comme des couches et des surcouches. Si on poussait un peu, cela pourrait peut être donner qqch comme un morceau de musique électronique.
Quelle chance, quel honneur, merci Marion pour toutes tes lectures et tes commentaires si pertinents!
Ici je retiens le morceau de musique électronique, vraiment ça m’inspire de pousser l’écriture de ce côté
honneur, chance, faut pas déconner! Avec plaisir, et très heureuse si cela peut te pousser et t’encourager