Sifflements des portes automatiques, à chaque passage s’engouffre le mistral en rafales, parfois claquements d’ailes d’un pigeon téméraire, ronflements des roulettes des valises, valises tirées comme des petits chiens rebelles par leurs maîtres, hurlements d’un carlin sous sa muselière et plaintes aiguës du chat enfermé dans sa cage, bousculade devant les guichets, des protestations, des cris, des jurons, Babel de langues, merda, shit, kra, merde. Un jeune diffuse du Mc Solaar : Parler de ‘kalach’ en roulant des mécaniques, ça n’a jamais été mon truc. Rap scandé par le martèlement des godasses des militaires qui sécurisent le lieu, pas cadencé, ils roulent des mécaniques, interpellent ceux au faciès douteux, lancent des commentaires juteux sur les formes d’une blonde qui passe. Ses talons hauts griffent les dalles, les tongs d’une africaine chuintent, une fillette impatiente fait claquer ses chaussures, à grands cris elle réclame un malabar. Des pas précipités font cascade, une course folle entraîne des retardataires, des adieux fusent, des rires de retrouvailles aussi : pas de bises, les bises c’est fini, dans mes bras, viens, au diable les nouvelles normes, vive la tendresse… Et par dessus ces bruits, des voix, des annonces sonores : Le train TER numéro 1000 à destination de Briançon, partira voie 1… Mesdames, messieurs. Attention au passage d’un train, éloignez vous de la bordure du quai s’il vous plaît… Pour la sortie, veuillez emprunter le passage souterrain, s’il vous plaît… Annonces précédées d’un temps qui invite au silence, quatre notes au piano disent la SNCF. Annonces ponctuées de coups de sifflets, des grésillements des haut-parleurs parfois inaudibles, des grincements des escalators, du tagadam-tagadoum des roues du train sur les rails : il entre en gare, il souffle, à l’arrêt il relâche sa pression. Un piano résonne, c’est le Piano en gare qui crée un moment de poésie, de complicité, de lien entre les voyageurs et le musicien. Près du piano, une borne de gel hydroalcoolique — covid oblige – pour que grands et petits puissent jouer en toute sécurité.
Comme un jour de départ, l’atmosphère est joliment restituée, j’ai eu beaucoup de plaisir à lire votre texte.