Le ronflement du réfrigérateur en sourdine mais toujours présent, une respiration, quelques grincements. Les petits plop irréguliers des pois-chiches qui baignent dans l’eau. Le tintement du four micro-onde, un ding soudain qui perce le presque silence. L’éclatement du blanc d’œuf qui projette le beurre fondu sur les parois de la poêle. Les pas sur la latte du parquet, celle qui couine, juste devant le micro-onde. La porte qu’on ouvre, déclic – raclement de l’assiette sur le support de verre – la porte qu’on ferme, claquée. Le son clair du verre vide posé sur la table de bois, l’eau qui s’écoule de la carafe, clapotis ascendant. La chaise qui grince à l’assise. Le frottement du tissu remonté sur les avant-bras. Le va-et-vient du couteau sur l’assiette de grès, amorti d’abord puis crissant au contact. Le souffle à l’approche des lèvres pour ne pas se brûler, l’aspiration haletante, ce n’était pas assez. La mastication, bruits de succion et nourriture broyée. Le cliquetis de la cuiller en métal sur les bords en verre, puis le raclement du fond. Les pieds de la chaise, lourds, qui ripent sur le plancher sous la poussée des pieds. Dehors, un vrombissement de moteur grandit, grandit jusqu’au palier et coupe. Une portière claque. La poignée s’enclenche, la porte frotte sur ses gonds, laisse passer les trilles du rouge-queue et le craquement lointain des troncs broyés. Le vent vient du nord, de la scierie. La voix familière salue, les chaussures s’essuient avec insistance sur le paillasson. Du champ en contrebas montent le long mugissement des génisses. De l’étable résonnent les plaintes de leurs veaux. C’est la saison des séparations.
Merci pour ce beau texte où vous nous invitez dans un quotidien par la seule rencontre des sons.
plongée dans les micro mouvements de soi et des objets, un roman dont les héros sont les pois chiches qui baignent et le frottement des semelles sur le paillasson et… tout ce qui peuple et raconte l’intimité, la vôtre, la mienne… oui.