Il l’entend passer devant la porte de sa chambre sans y entrer. C’est pour cela qu’elle essaie d’être aussi silencieuse. Glisse plutôt qu’elle ne marche, descend l’escalier, lentement, en évitant le grincement de la quatrième marche à droite, là où le bois cède sous le poids du corps qui s’y appuie, puis elle continue, sur la pointe des pieds. La voilà arrivée sur le sol du salon, il la sent se détendre, marcher plus vite. Bientôt il percevra le léger déclic de la porte d’entrée, et puis c’est tout. Elle pense qu’il doit être endormi ou distrait. Il n’est jamais distrait et il a développé cette capacité extraordinaire de voir à travers ce qu’il entend, de comprendre sans regarder. Déjà elle sort, en cambrioleuse. Ne se retournera pas, même si elle se rend compte, maintenant, trop tard, qu’elle a oublié de fermer la fenêtre de sa chambre quand elle est venue reprendre le plateau comme elle fait tous les soirs. C’est l’été, il n’aura pas froid, sauf aux premières heures de l’aube. Il connait par cœur tous les bruits proches ou lointains qui arrivent jusqu’à lui. Il entend tout, à force d’être immobile, les sons, les moindres intonations, l’exaltation d’une portière de voiture claquée un peu plus fort, les sourires et les regards avant que le moteur accélère, ronronne satisfait, puis s’éloigne. Il en accompagne les traces jusqu’à ce qu’elles deviennent imperceptibles et se confondent au loin avec le vibration de la ville, puis reste aux aguets, laissant son insomnie égrener une à une les heures qui tintent au clocher d’une église. La nuit se recroqueville sur les dernières rumeurs qui la bousculent encore, s’apprête à succomber. Lui, continue d’attendre pour qu’aux lumières fades une voiture ralentisse et s’arrête, il compte les secondes jusqu’à ce que la portière s’ouvre et la laisse prendre le chemin à l’envers. Il attend le jour où la neuvième marche de l’escalier à gauche grincera, non pas par mégarde, mais par décision prise, où la poignée de la porte de sa chambre tournera rapide et nette sur des mots qu’il aura appris par cœur, car ils scandent depuis longtemps son apprentissage d’une nouvelle solitude. Donne à ses membres fatigués le répit qu’ils réclament, écoute son cœur ralentir sa cadence, s’endort dans le bruissement des feuilles que le vent fait virevolter en arrivant du grand large.
J’aime les chemins que tu empruntes. Quand la nuit se recroqueville, quand une poignée de porte tourne sur des mots. J’aime cette ambiance très particulière. Merci.
Oh, merci, Jean-Luc ! Cela fait drôlement plaisir ! On a tellement de doutes quand on écrit !
très beau, et cette dernière phrase…
Merci, Caroline ! Vraiment contente que tu aies aimé !
Comme un crépuscule d’automne, l’hiver contenu dans les dernières heures de la journée. Très sensoriel.
Merci, Marion !