Claquement de la porte, Vlam ! Vacarme aussitôt regretté, trop tôt pour les oreilles endormies – Cliquètement et tintement de la clé dans la serrure – Chute brutale du trousseau de clefs, dans le petit sac appelé « banane » – Banane, mot banal et peu approprié pour cette petite pochette sportive accrochée à la taille, destinée à supporter le poids du corps, des clefs, du téléphone portable, et de la course à venir. Banane, mot qui sonne avec son « B » jeté de façon dynamique, d’un timbre plutôt grave et s’achevant lentement dans la certaine douceur aigüe du « NE ». Syllabes presque inexistantes si on l’interroge ce mot : « banane ? » – BANAne –BAnane –
Foulée rapide mais feutrée, sur la pierre de l’escalier – pas qui retiennent leurs élans, tels de jeunes chevaux harnachés, piaffant, impatients de galoper, pour ne pas réveiller tout l’immeuble mais qui ne peuvent s’empêcher de sauter la dernière marche, faisant résonner, le « PAF » des deux baskets, poids lourds des pieds, claqués, tapageusement sur le sol –
Course lente sur le béton cimenté en sourdine ou presque sauf quand croisement avec un morceau de plastique jeté négligemment là dans la nuit pendant que tout le monde rêvait.
Premiers bourdonnements de la forêt, feutrés, bruissement des feuilles qui s’apprêtent pour l’automne, craquement, pareils à de petits os cassés, des branches tombées durant la nuit, glissement et clapotis d’eau et de boue de la terre mouillée par la pluie, flac, floc, flic, flac – Frôlements furtifs des herbes, racines traversées par les êtres invisibles, que l’on vient déranger, au petit matin.
Premières rumeurs, au loin, des voitures qui s’éloignent, s’effacent, longues colonnes de bruits sourds et confus, rappelant les tunnels, moteurs, et choc des freins appuyés iiiiiiiiiiiiii, crissements au feu rouge – Bruits sourds du monde que l’on laisse derrière soi pour mieux s’enfoncer dans les bois. Bruits que l’on devine encore puis, qui s’éteignent, petit à petit.
Et le silence –
Pas complètement – En haut des arbres, sifflements inattendus des oiseaux perchés, froissement brutal des fougères montrant un sanglier en fuite, quand soudain, de l’intérieur du corps, pulsations du coeur, envahi par la peur, va t’il se retourner et foncer ? Mais non, il détale dans un fracas, brisant tout sur son passage, terre retournée, branches défoncées, le sol roule, gronde puis se tait –
Et le silence –
Pas entièrement – Sifflement du souffle qui s’intensifie, respire, tel le vent, s’échappant de votre bouche, halètements rapprochés, frottement des pieds foulant le sol boisé, son du tambour puissant du coeur cognant contre les parois de la peau nue, tumulte de vos sens aiguisés, jamais de musique dans les oreilles, rester aux aguets, du moindre bruit, du moindre mouvement – Friction du tissu en viscose sur lui même. Bruit des pensées qui envahissent l’esprit et s’envolent dans le ciel, jamais elles ne cessent ou seulement au bout d’un long moment, quand le cerveau n’a plus la force de se faire entendre.
Et arrêt – Suspension de l’air, du mouvement, du chaos.
Bruits internes du souffle et du coeur qui s’apaisent, boum, boum, boum, boum, lentement. Gargouillis de l’estomac vide – Percussions du sang dans les veines – Se tenir sage parmi les arbres, les entendre murmurer et désirer les comprendre.
Course qui redémarre, fluide, coordonnée, moins essoufflée –
Tout se remet en bruits.
C’est exactement ça, on s’y voit ou plutôt on s’y entend, l’évocation est très réussie, bravo.
Merci beaucoup pour votre lecture et vos mots.
A lire très vite.
Bonne journée
Une erreur s’est glissée dans mon mot, je voulais vous dire :
A vous lire très vite !
Merci pour votre compréhension
« Banane mot banal » j’aime beaucoup et quelle balade dans les bruits des bois. Bravo, bis bis
Merci chère Cécile, bonne soirée.