4h12 tu te tournes vers le réveil de voyage posé loin du lit. Sous la fenêtre de l’hôtel — gare de Bourges— l’alarme. Nappes sonores, matières fondues à ta peau amoureuse, aux myrtilles grosses comme le poing qui éclatent sous ta langue et ce bruit de succion. Sirènes au levant. Prières d’aube d’été. Échos. Démembrement de la ville. Cacophonies. Silence! Dans la pièce contigüe le leitmotiv des walkyries et relire pour la dix septième fois les trois premières phrases du dernier paragraphe. Persistance acouphène des basses sur ce toit terrasse où tu t’endors. Alarme de magasin à quatre heures de la nuit, c’est dit-il l’heure immobile ; alarme du même magasin à midi suivi d’éclats de voix. Leurs chuchotements pires que leurs cris. Arrosage d’un champ : soufflé? sifflé? tu dirais quoi si tu n’étais parti. Bris de verre sous ta semelle. Bris de verre sous le pied nu d’un enfant, c’est le cri de la mère qu’on entend. Balbutiement. Chute d’une bouteille dans le container vert du verre à 9H53 : Pour les dépôts c’est après dix heures. Brame dans le petit salon qui jouxte ta chambre ; il regarde ses films animaliers, longtemps qu’il dort à rebours. Bêlements et clochettes : premier champ. Émerveillement. Vent dans les larmes du saule. Vertiges du vent. Bris de l’assiette en porcelaine échappée de ses doigts quand il apprend que c’est fini. Fini: Quoi ? Bruit d’après le bruit. Battement dans la tempe gauche. Bruits fantômes de tous les bruits dans une chambre capitonnée. Bruit comme une odeur de brulé. Bruit de la houle ou du silence qui cherchent leurs noms. Bruits de ta peur. Craquement de parquet et le bois vit des morts qui vont nus pieds. Claquement : ce volet du deuxième qu’elle laisse entrouvert. Sa hanche de titane déboitée. Crissement des pneus dans l’allée aux graviers quand il part à l’aube et qu’il roule en première pour ne pas réveiller l’enfant. Croassement avant qu’ils baisent comme des fous. Qui ? Eux. Crépitement du brasero. Doigt de l’enfant qui trace des cercles contre la toile du lit parapluie. Déplacement de l’aiguille du réveil à pile dit silencieux. Déglutition de la mère qui aspire les cuillerées de yogourt après qu’elle a reçu son poing dans la mâchoire. Craquement de ses mandibules effarées. Détonations une nuit de jour ordinaire. Détonations : Il s’est tué dit le médecin : Qui ? Colia, dit le médecin. Expectoration de la 243 et le drap qui se couvre de sang. Froissement de papier ou de soie ou de papier de soie. Frôlement. Frottement. Doux. Âpre. Grognement. Gémissement : HHHHhhhhhh. Intermittence des pleurs. Jappement. Jet d’urine dans le pot de faïence du wagon lit qui roule de Venise vers Paris. Jets d’eau des grands jets d’eau que Kafka n’écrit pas. Jet : léger, lourd, lugubre des grands jets d’eau. Cri du chambellan qui meurt. Kafka rit… Pluie sur zinc ou pluie sur tuile. Pluie sur ardoises du toit. Pluie sur eau de la citerne. Pluie à la surface de la piscine.Pluie sous bois ou sur bois. Piétinement des os sous la semelle. Piétinement de raisins: leur jus noir. VOIX. Voix de. VOIX, leurs voix. Celle de l’Histoire ou de l’histoire. Quand pierre roule. Quand Pierre ment. Voix de la mort d’Yseult sur la grande scène sans sources visibles. Voix. Voix de…
Fulgurances, ça craque, ça crisse, ça gémit, et on est balloté, bousculé, emporté, un peu sonné aussi. merci
Merci Benoit pour ce retour d’aube à aube dans le mouvement même de l’écriture
bruits heurtés, secouent
quand on ne pensait pas faire de bruits et qu’on s’y colle tout de même… merci Brigitte
Vous faites écouter-voir et plus encore: entendre et vivre. Merci Nathalie Holt pour tous les échos de cette bande son en VO. Merci.
Merci Ugo de faire écho aux sons … quelqu’un vous lit c’est un peu de vie
Voilà un grand texte !
On en sort tout environné !
Merci, Nathalie.
Très touchée par ce retour Fil. Merci
Je ne peux qu’ajouter un merci. Quel texte!
Très touchée merci Irène
Complètement secoué, drôle d’effet. Rythme effréné, asphyxié. Merci.
Merci beaucoup de votre retour Jean-Luc.
c’est aussi la rigueur formelle qui époustoufle…
Merci beaucoup François.
(bizarre ce texte qui est venu vite quand je m’étais dit que je ne l’écrirais pas )
oui, c’est fort et ça remue
merci Caroline
Un torrent sonore qui nous submerge et émerveille ! Merci !
merci Héléna