je me gare à la station essence, je fais les opérations répertoriées pour faire le plein comme ils disent et quand je saisis le pistolet, je remarque trop tard qu’il n’est relié à la pompe par aucun tuyau. Ça alors ! c’est con j’aurai du faire attention, je suis pas réveillée moi, j’ai pas vu le panneau, mais y a pas de panneau, bon, c’est pas grave, je raccroche la poignée et remonte dans la voiture, j’embraye sur la marche arrière mais dans le rétro le capot d’un utilitaire, je ne descends pas complètement de la voiture et calée dans la portière j’entreprends un dialogue de sourd avec le type à grand renfort de gestes, excusez-moi, oui, bonjour pouvez-vous reculer, s’il vous plait, je vais changer de pompe. Vitre électrique et tête penchée le rigolard Ah mais il faut faire attention ma petite dame elle est pas à vous la voiture ? moi, euh, non c’est la voiture de ma mère mais je ne vois pas le rapport il manque le / eh ben ! il rentre sa tête et coupdecoude son passager, c’est ce que je dis, tu vois Francis c’est tout le temps pareil, elles font pas attention, et pour moi de l’intérieur les bras croisés sur le volant eh madame il fallait regarder avant de partir de quel côté il est le réservoir, sinon vous mettez tout le monde dedans, là, je peux plus reculer y a du monde derrière. Un premier coup de klaxon puis un second très rapproché. Je descends vraiment, ferme la portière, dépasse le camion et jette au type, un je m’en occupe plutôt bon enfant je pensais et entreprend d’expliquer à la conductrice suivante qu’elle doit choisir une autre pompe alors que parviens à mon attention, Oh tu fais quoi- là ? remonte dans ta bagnole et laisse la place c’est bon, tu déranges tout le monde là ! Du tac-au-tac, Pardon mais je parle à la dame pour vous permettre de vous déplacez je m’en occupe je vous ai dit/ et moi je te dis de bouger, qu’est que tu nous prends la tête avec ta marche arrière, avance et puis c’est tout. Ok, je retourne à la dame qui cherche visiblement quelque chose dans son sac, pardon madame mais c’est quand même mieux si vous bougez par ce que la pompe ne… Klaxon ! Nous sursautons toutes les deux elle laisse retomber son portable dans son sac, il est assis dessus c’est pas possible autrement, nous échangeons un sourire, désolée vraiment et je retourne à la voiture, m’arrête à hauteur du chauffeur, Monsieur soyez assez aimable pour baisser votre vitre le pistolet. Il klaxonne, les yeux sur les chiures de pigeons de son pare-brise. Je lâche l’affaire comme disent les jeunes et remonte dans la voiture, démarre, et quitte la station, suis-je la seule à m’être rendue risible à la caméra ? Pourquoi n’y avait t’il pas de pancarte pour prévenir le désagrément ? Ou alors ça vient juste de se produire avant que j’arrive et comme tout le monde paie en carte bleue peut-être qu’ils ne savent pas encore qu’on a subtilisé le tuyau de la pompe n° 8 ? Encore que si on y réfléchit 2 minutes… Puisque je n’avais plus d’essence, j’ai fait demi-tour et me revoilà à la station derrière la dame qui a changé de pompe, elle, le moteur coupé, je reprends le fil de mes pensées…on ne s’empare pas d’un tuyau comme ça, non, je crois qu’ils savent ce qui est arrivé mais qu’ils ne jugent pas utile de nous informer, nous sommes pourtant directement concerné, je reviens à la surface à cause des cris du dehors, le type de tout à l’heure sort de la boutique furibard, Mais merde ! le temps qu’on perd à cause des qui font pas leur taf, ça lui coute quoi de coller une affiche, c’est quand même pas difficile, faut être sérieux, là. Le mec à la caisse n’a pas bronché. Ce qui n’est pas le cas d’un papi qui gonfle ses pneus, je ne l’avais pas remarqué mais visiblement, lui a suivi toute l’affaire, c’est parce que c’est pas le mec de d’habitude, lui c’est un remplaçant, je l’ai jamais vu, il a peut-être pas le droit quitter sa caisse, c’est plus des pompistes de toutes façons maintenant. Pendant que je me fais toute petite à réitérer les opérations afin d’obtenir le liquide nécessaire, le papi s’est refondu dans le décor, la camionnette part en crissant de mécontentement, tout en cherchant la symbolique de cet événement, la gâchette de la poignée me surprend, le réservoir est rempli à ras bord et ma tête est farcie. Je regarde autour de moi : depuis combien de temps sommes nous bloqués sur l’absence de ce maudit pistolet ? Bouchon / clapet / portière / contact / vitre baissée, je quitte cet endroit et lance un petit signe, manière de dire bon j’y vais, moi, salut !
J’ai été happée par le très bon rythme de cette histoire qui crée une faille dans la banalité d’une situation quotidienne, pour la rendre haletante et presque fantastique.
merci beaucoup Laure.
Ah… les stations services et leurs pompes à essence… tout un poème !
Merci Bénédicte pour cette scène et ces dialogues très vivants, très imagées –
Merci Clarence, pendant l’exercice m’est apparu que la difficulté était plus la narration que les dialogues. Mais bon…