Tu crois pas que tes chansons, à tout bout de champ, c’est un peu exagéré, oh tu sais je fais ça pour rire il faut bien rire de temps en temps sinon, mais là, quand même, c’est toujours pareil, ça revient sans arrêt à chaque fois les mêmes trucs déjà mille fois entendus, écoute, moi j’en ai beaucoup, d’accord, mais le répertoire n’est pas inépuisable, c’est normal que ça revienne, et puis bon, c’est mon plaisir, parce que je suis un homme heureux il dit d’un air sûr de lui, oui, tu en as beaucoup, mais à chaque fois tu ne chantes que le début, un bout au milieu et les refrains, ah, les refrains, c’est ce qui fait tout, c’est le cœur, elle prend une mine boudeuse, elle n’ose pas lui dire qu’elle ne le croit pas vraiment heureux, oui, tu chantes ce dont tu te souviens, des chansons qui te trottent dans la tête, ah si tu savais, il y a longtemps qu’elles me trottent, ben oui, je les connais depuis que je suis petite, comme si tu avais voulu que je les apprenne, je comprends, bon, d’accord, tu me dis que je radote avec mes ritournelles, non mais il y a un truc qui me chiffonne, quoi donc, il dit brusquement, le visage froissé, tu chantes comme si ça t’empêchait de proférer des dérisions, des sarcasmes sur la vie pas si drôle, mais pas du tout, si je chante c’est parce que la vie m’a donné et me donne encore des raisons, oui, oui, on dit ça, mais alors pourquoi j’ai toujours l’impression que ce n’est pas les bonnes paroles, pas les vraies, que tu les remplace par des versions assagies, que tu as inventées, moi inventer, je n’invente rien et je ne te demande pas de me croire, mais c’est la vérité, tu parles, maintenant vraiment irritée, elle croise les bras, suit son regard fuyant, tu penses donc que tout le monde est dupe, il cherche à se rattraper, bon, à la base, c’est de temps en temps des chansons un peu osées, des refrains de soldat, de salle de garde, mais je les arrange à ma manière, tu n’as pas tort, ah, tu vois, je le savais, mais ce genre de truc, c’était bon quand j’étais gamine, maintenant tu pourrais chanter les vraies mots, mais, ma pauvre, avec un rictus pas très franc, je les ai complètement oubliés les vrais mots, oh, on peut jamais parler sérieusement avec toi, et tu vas continuer, et tu vas recommencer, tu ne vas pas m’empêcher de chanter quand même, ça serait un peu fort, je te dis, c’est pour le plaisir, eh ben j’y crois pas tant que ça, à ton plaisir, allez, arrête d’être de mauvaise humeur, il faut que je retourne surveiller le feu dehors, bien sûr, tu t’en vas parce que tu es coincé, c’est toujours pareil, je ne saurai jamais rien de toi, mais si, on en reparlera une autre fois si tu veux, tu as beau dire en tout cas, tes chansons, c’est complètement exagéré, oh tu charries, je ne pourrai jamais m’arrêter de chanter de toute façon, ça fait si longtemps, c’est mon habitude, c’est ma petite musique, c’est mes petites paroles à moi, elle se retourne, part renfrognée.
Quel rythme! Ça me parait un peu rapide pour des chansons de corps de garde mais ça donne envie de chanter et de taper du pied en mesure. Ils pourraient, tous les deux, essayer de le chanter en chœur.
Merci, Bernard, pour ta lecture !
Il y a de la tendresse la dedans. Même si rien ne les décrit on les voit bien ces deux-la.
Un grand merci pour ton message, Christian !
Oui, un bel échange! Bravo.
Un grand merci pour ton message, Élisabeth, qui me fait grand plaisir !