Tu te souviens des trajets en voiture pour partir en vacances avec les parents ? Ça fait loin, vaguement. Moi je ne me souviens que d’une chose, je dormais quand on est arrivés au retour, il faisait nuit, les parents ont essayé de me réveiller, je n’arrivais pas à ouvrir les yeux, trop pénible, presque douloureux, le père m’a portée. C’est tout. Mais le reste du trajet, j’ai oublié. On voyageait toujours de nuit ? Et nous qu’est-ce qu’on faisait derrière à part dormir ? On jouait, on parlait, on chantait ? Et les parents, ils discutaient de la route ? Toi tu dois t’en souvenir, tu es plus âgé. Oh très peu … Allez dis-moi. Non, vraiment pas grand-chose, je me souviens de la voiture. Allez, raconte. Alors, c’était une Opel gris-bleue, avec beaucoup de place. On était bien installés à l’arrière. Le père roulait tranquillement, prudemment, il connaissait bien la route. On ne l’a jamais entendu s’énerver contre un autre conducteur. La mère ne supportait pas trop le voyage. Elle prenait des médicaments contre la nausée. On ne l’entendait pas beaucoup. Elle ne savait pas lire les cartes routières de toutes façons. Et quand on s’arrêtait, on mangeait des sandwichs ? Oui, oui, il y avait des tables de pique-nique sur les parkings et la mère avait préparé tout ce qu’il fallait. Toi tu aimais bien grignoter des petits gâteaux au chocolat. La mère ne t’en donnait qu’un ou deux, tu faisais des taches sur ta robe. Ma robe ? Quelle couleur ? Mmmm … bleue à carreaux. Et après on faisait des jeux ensemble ? Tu avais ta poupée … Ma poupée ? Mais j’ai jamais été très poupée. Oui, mais c’était une poupée spéciale. La mère avait cousu toute une garde-robe miniature et tu t’amusais à l’habiller, déshabiller, choisir son maillot de bain … Mouais, peut-être … Et j’avais un doudou ? Laisse-moi réfléchir, oui oui, c’était un truc en chiffon tout mou et tu bavais dessus quand tu dormais. Ça c’est pas vrai ! Et quoi encore ? La mère t’avait acheté des albums. Tu regardais les images et tu babillais une histoire. Un jour, le père a dû freiner brusquement et tu as vomi sur le livre. Du coup moi aussi je me suis senti mal et la mère aussi, on s’est arrêtés, mais après on a roulé avec les fenêtres ouvertes, ça sentait trop fort. Bon, raconte-moi un souvenir sympa maintenant. Quand on arrivait, le soleil se levait sur la mer. Avant d’aller à la pension, on allait direct sur la plage. Le père était heureux. Il s’asseyait, mettait ses bras autour de nous et contemplait l’horizon qui s’éclairait. Et puis il s’endormait la tête dans le sable, épuisé. … Voilà, c’est tout. … Pas mal comme souvenirs … ça fait du bien … C’était beau l’enfance, non ?
ah les pères…