#P10 Au bord de la falaise

Pourquoi tu m’as frappée, dis, répond, tu regardes ailleurs, c’est trop facile.
Pas si facile que ça de frapper. Rien de normal, de naturel mais une pulsion plus forte que toi.
Ah, c’est donc ça.
Rien que ça, sans plus d’explications.
Et on trouve normal de se taper dessus sans aucune raison, parce que c’est comme ça.

Il regarde ses mains.
Tes mains sont indépendantes de ton cerveau, dis, non, alors pourquoi elles tapent.
Je ne vais pas t’applaudir, je ne veux pas.
Tu vois.
Tu me rappelles cette histoire, où deux gamines jouent ensemble et soudain l’une mord l’autre, les parents stupéfaits interrogent la petite qui a mordu sa copine, elle reste muette, ne donne aucune explication et c’est l’autre de sa petite voix qui dit parce qu’elle en avait envie. Fin de l’histoire.


Elle le regarde droit dans les yeux.
Tu vois.
Toi, moi, on est des adultes alors pourquoi on est encore sous le coup de pulsions plus fortes que nos raisonnements, hors de notre contrôle.
Que dire, rien.
Laisser le vent emporter nos explications.
Rester muets devant un geste, une parole surgis d’on ne sait où. Et continuer à vivre.
Malgré tout.
Tu vois.
J’aimerais être un oiseau. Pourquoi pas. M’envoler avec toi.
Oui, c’est ça. Rien que nous deux.
Tu parles. Bla, bla, bla, c’est tout ce que tu sais faire. Du vent.
Pour m’envoler.
J’en ai ras-le-bol de ces discussions qui tournent en rond.
Tu vois.
Ras-le-bol de toi.
De moi.
J’aimerais en finir.
Mourir. Oui.
Je me vois souvent au bord de la falaise, alors oui, être un oiseau, pourquoi pas.
Soit tu tombes, soit tu t’envoles. Pas d’autres alternatives.
Il y en a bien une troisième, celle de rebrousser chemin.
Et encore recommencer comme avant.
J’en ai marre. Trop marre.
Moi aussi.