Elle revient toujours la terre sableuse sur les doigts qu’elle essuie brusquement sur le côté de sa blouse au-dessus de la hanche. Toujours à me regarder arriver comme si j’avais disparue depuis longtemps, comme si je l’avais laissé là avec son petit, comme si je pouvais le faire, l’abandonner avec lui. Tu ne sais pas que le soleil est trop fort pour lui, à cette heure? Je veux qu’il sente la chaleur sur lui et le vent aussi, il écoute tu vois comme il écoute, bientôt il pourra toucher la terre, je ne pourrai plus le porter. Et son sourire planté dans le visage d’Anna, les yeux plissés face à la lumière blanche. Elle voyait bien que la gamine avait fait son trou avec son fils, un trou pour tous les deux, bien bordé. Où tu l’amènes comme ça le p’tit? Juste là, je pensais pas aller quelque part, juste là, je ne me suis pas posé la question, je voulais qu’il sente. Et te voir aussi, oui, te voir. Mais je voulais pas qu’elle sache que j’avais peur même si je souris. Je sais que tout peut disparaître, même le bourdonnement des insectes, même cette bordure de radis et de tournesol. Et je suis pas folle, je sais que c’est probable aussi fort que c’est moi qui ai planté les petits pois. Faudrait pas que le soleil le brûle, avec ces nuages, on ne se rend pas compte. En regardant les mains de l’enfant s’ouvrir et se fermer pour attraper le vent et les jambes aussi, qui s’agitent comme s’il courait déjà. Il faudra vérifier l’eau du puits et s’il y en a assez, tu mettras le goutte à goutte en marche. Avec ce vent, tout va sécher. Elle change de bras pour porter l’enfant, un geste qui lui appartient maintenant. Tu m’a entendue? Oui je l’ai entendue mais c’est d’ailleurs que je suis appelée. Hein, mon ange, il viendra te voir, c’est sûr, porté par le vent, tu vas le rencontrer bientôt.