quoi, la terre s’écartèle, le sol se creuse sous les genoux qui flanchent, un effondrement du corps, seul le cerveau observe. heureusement le fauteuil à distance inespérée. ça flagelle aussi dans la tête. ouvrir la fenêtre peut-être pour respirer. mais non.
écarter la nausée, la balancer hors du corps, émousser la dague qui transperce les vertèbres dorsales, se réfugier dans la torpeur de l’herbe. l’imprévu : le cœur en roue libre, le mental dissocié, la sensation de ne plus s’appartenir, un cerveau à deux vitesses, une pour piger ce qui se passe, l’autre pour réaliser que plus rien ne gouverne le centre de la parole ; les répétitions, se reprocher à haute voix de répéter ; la voix surgie d’un endroit à des lieues de la profération, un entre-deux blanc, une coque de réverbération ; et se tenir à distance de soi, quelque part au-dessus, ou au-dessous ; la fragmentation des pensées, l’incohérence des propos que pourtant on s’entend prononcer, en se le disant, ça, qu’on dit n’importe quoi ; l’air qui ne suffit plus et manque à l’inspiration ; le bruit des tiroirs que l’on ouvre à la recherche de quelque chose ; ce que l’on s’interdit de dire dans un éclair de lucidité ; la phrase qu’on mâche avant de la prononcer, pour être sûre que les mots seront ceux de l’idée, et la voix qui parle pour soi, torpillant les autres, les plaquant à même leur incompréhension, quand on s’avoue au bord du grand néant, la main qui nous saisit et celle que l’on tend, sécurisante, qui sait le gouffre à venir, qui ne craint plus rien, sauf l’absence de ceux dont on aimerait sentir la caresse avant la fin.
le trou dans le bide. le crépitement des bûches dans le poêle. la voix blanche. le tressautement de la paupière droite. la pierre dans la gorge. le sang qui fuit d’un coup dans les chevilles.
tu parles pour personne, car personne ne t’écoute. tes paroles traversent un visage, un corps, et du fond de la pièce le boomerang de silence chargé de mépris qui te frappe en plein front. l’impossible retour à l’envoyeur. pas encore. il y a un mur devant toi. c’est une décision, ça, se transformer en mur. et tu piges qu’il s’agit de ça. tu tournes les pages de ton carnet, la fermeté de ta voix, tu sais qu’elle est factice. en face aussi on le sait. l’air t’oppresse. le silence t’oppresse. tu pointes ton stylo sur les questions à poser. tu lis tes mots. ta voix s’écartèle, elle passe entrecoupée de ton souffle, de cette angoisse qui te tient dans l’étau d’un regard vide. tu sais que c’est perdu d’avance. tu as vu le mur il y a longtemps, il est là maintenant, devant toi.
J’ai listé plusieurs situations, les drolatiques n’ont pas trouvé d’écho pour finir. Seules les plus tragiques ou les plus dérangeantes se sont imposées. J’ai retenu ces deux-là. Difficile pour moi de bien saisir la proposition, et puis l’écriture d’Artaud… un défi tellement inaccessible à relever, rédhibitoire, presque.