La porte est immense une porte cochère mais pour l’enfant une porte de géant que le père pousse sur l’entrée d’un immeuble c’est là qu’on va habiter dit-il en regardant l’enfant qui a l’impression d’entrer dans une grotte secrète. La porte vitrée est toujours ouverte ce qui signifie que la serrure n’est jamais verrouillée mais qu’il faut bien l’ouvrir la porte pour entrer dans la cuisine et il l’ouvre plusieurs fois par jour il y entre en sort comme dans un moulin un jour on le lui a dit c’est pas un moulin il a continué à rentrer et à voir au fond la cuisinière à bois à gauche la longue table sur laquelle toujours une bouteille de rouge avec dessus un verre renversé en guise de bouchon à droite de la cuisinière le vaisselier et au mur le garde-manger où se gardaient derrière le grillage serré les fromages et le saucisson à l’abri des mouches. Il a dû longtemps se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée puis plus et alors il entrait dans la chambre quand il voulait s’asseyait sur le grand lit prenait les magazines sur la table de nuit et lisait seul sans que personne ne sache qu’il savait lire ni ses parents ni les bonnes soeurs à l’école. La porte se pousse de dessous arrivé en haut des escaliers dont on gravit les dernières marche le bras levé au-dessus de la tête main à plat sur la porte de la trappe qu’il faut retenir puis rabattre une fois entré dans la pièce à la cheminée devant l’évier en pierre. Pour entrer il fallait frapper en utilisant le heurtoir alors une petite trappe grillagée s’ouvrait à hauteur de visage puis la porte si votre tête convenait vous entriez alors dans une vaste salle enfumée bruyante et sombre joyeuse rythmée de rires et d’interpellations d’éclats de voix enjoués avec au bar des grappes de noceurs et de noceuses qui ne jetaient pas un regard sur vous à votre arrivée. Dans la porte en bois tu glisses la longue clé à gorge que tu portes autour du cou au collège et tu entends les pattes de la chienne sur le parquet qui arrive depuis le fond du couloir en courant tu ouvres la porte de ta chambre la première à gauche en entrant la seule dont la porte reste fermée car c’est toi qui la fermes la chienne te saute dessus en remuant le cul tu balances ta boge sur le lit et tu vas au bout du couloir passant devant le salon la chambre des parents celles des frères et soeur aux portes toujours ouvertes jusqu’à la cuisine où l’horloge digitale du four clignote depuis des mois et clignoteras longtemps encore tu ouvres un placard prends une tablette de chocolat et reviens dans ta chambre en courant dans le couloir pour amuser la chienne. La porte s’ouvre tout à fait lentement l’air de la pièce est froid comme le corps qui y repose entouré de bougies et de fleurs on pourrait dire qu’il trône devant la cheminée large au foyer mort.
Codicille: quelques portes sont apparues que je n’avais jamais vues d’autres que j’avais oubliées