Des anciens ne subsistent que des traits grossiers, tracés par la main maladroite des enfants que nous sommes OUBLI les vies menées les quotidiens, les amours les espérances, les désespoirs les tragédies les croyances les mesquineries, les débuts les fins les choix les ennuis OUBLI gros traits elle est née le 10 mai 1920 ça c’est objectif on peut le vérifier sur les antiques cartes d’identité jaunes aux rebords qui s’effilochent et croire que ça veut encore dire quelque chose OUBLI j’ai gardé un flacon de parfum à sa mort Shalimar comme un orient de pacotille qui déjà n’était plus que l’encapsulage ridicule d’une vie évanouie OUBLI je l’ouvre parfois rarement parce que j’ai peur que les dernières molécules ne s’effacent au contact de l’air comme une momie millénaire que des pilleurs de tombes voient d’effriter lorsqu’ils descellent la pierre et j’essaie de me ressouvenir du contact de la peau de son cou quand je m’y nichais enfant et les recoins de sa maison sont pleins de gestes automatiques qui résonnent dans le silence mais résonnent des voix d’autrefois OUBLI ici une lecture là une confidence OUBLI dire les souvenirs les dire encore et les redire pour qu’ils impriment l’air qu’une oreille autre les entende mais que signifient ces souvenirs quand ils ne sont que récit OUBLI oubli des dates oubli des visages oubli des sensations oubli des expériences oubli de tout ce qu’on ignorait devoir saisir quand ça nous passait à portée de main
Je suis touchée par votre texte, notamment par cette dernière phrase « oubli de tout ce qu’on ignorait devoir saisir quand ça nous passait à portée de main »… le présent nous échappe tant il est déjà passé.
Merci pour votre commentaire! Ça fait quelques chose, d’entre lue…