J’ai vu la terre de haut, j’ai vu le ciel d’en bas, j’ai vu plusieurs montagnes en même temps, j’ai vu les creux de plusieurs vallées, les glissements, les plis des pentes abruptes, j’ai vu de l’espace entre moi et la terre (qu’ai je vu?), j’ai vu la terre de près, je n’ai rien vu dans l’obscurité, j’ai commencé à voir dans l’obscurité, j’ai vu un commencement de formes dans l’obscurité. J’ai vu la mer, je n’ai plus vu la terre en mer, j’ai vu la mer matérielle alors que je n’ai pas vu le ciel immatériel. J’ai vu des groupes d’arbres, j’ai vu un arbre seul, j’ai vu des prairies et des arbres et des collines et des maisons. J’ai vu une chose, deux choses, j’ai distingué trois choses, quatre, cinq, six, sept choses, j’ai vu sans compter plusieurs choses en même temps. J’ai vu beaucoup sans que ces visions se rappellent à mon esprit, j’ai vu des gens émouvants et j’ai revu en esprit l’image que j’avais gardé d’eux.
J’ai marché beaucoup, j’ai marché sur des routes de goudron bosselées, j’ai marché sur des routes caillouteuses. J’ai traversé des prés en écrasant l’herbe. J’ai donné des coups de pied dans des fourmilières géantes. J’ai couru sur les mêmes routes, les mêmes chemins que ceux où j’avais marché. J’ai connu et reconnu chaque morceau de route parcouru jour après jour. Combien de fois ai je fait le même trajet? Quels endroits très proches, les plus proches n’ai je jamais connus? Quels contemporains voisins les plus proches de moi ai-je ignorés? Quels étaient mes rapports avec l’autre bout de la terre: quels papillons en Australie m’ont affecté dans ma vie? Quels moments de douceur ai-je ratés? Quels moments de dureté ai-je évités? Quels animaux ai-je dérangé? Quels animaux ai-je tué? Quelle trace ai-je laissée? Quelle qualité de trace ai-je laissée?
