Consignes
Une heure après le décollage on vous a imposé des lunettes 3D for your greatest pleasure. Vous avez cru comprendre que le film était projeté sur le verre des lunettes, donc pas de lunettes, pas de film : no glasses, no movie. Vous avez risqué un no movie, mais on vous a gesticulé que le visionnage des consignes de sécurité, safety instuctions, était obligatoire, before the movie. Vous n’avez pas réussi à barguiner en version originale l’effet incertain de la 3D sur votre estomac alors vous avez laissé tomber et chaussé les lunettes. Vous avez fini par fermer les yeux et échoué une fois encore à comprendre les consignes de sécurité, à vos risques et périls. Let it be.
L’art de la chute courbe
Pendant l’atterrissage, coller le front au hublot et river ses yeux aux rectangles de couleur, voir comme ils s’écartent et s’arrondissent, s’éloignent et se succèdent, se redressent et se discernent . On ne tombe pas : on entre en douceur dans l’épaisseur des choses. Jusqu’au point de contact. Puis se faufiler dans les boyaux transparents, en suspension entre terre et ciel, se déplier délicatement dans cette nouvelle carlingue et regagner progressivement le monde des objets palpables.
Le test d’Escher
De retour sur la terre ferme, vous vous croyez en règle avec l’apesanteur. Vous avez piétiné devant plusieurs guichets, avez vu disparaître et réapparaître votre bagage à main sur un tapis roulant, scruté sa radiographie et âprement justifié la présence de votre flacon de parfum, ce qui a pris un certain temps. Le moment est venu de vous dégager du décor aéroportuaire, de ses universels et ses effluves. Tout se ressemble, mais il y a forcément une sortie. En cas de doute, il convient de procéder au test suivant : emprunter un escalier, n’importe lequel dès lors qu’il tourne. Choisissez un autre voyageur et réglez-vous sur ses pas. Ou suivez plusieurs personnes si vous voulez, tenez, pourquoi pas ceux-là, crâne dégarni et beauté gravide, au moins vous ne risquez pas de les confondre. Ils lambinent ? Doublez. Si vous descendez sans cesse et vous retrouvez immanquablement en haut de l’escalier, si le couple réapparaît devant vous, c’est que vous êtes victime d’un défaut de perspective. Vous n’y comprenez rien ? Moi non plus, mais qu’importe ! Comme vous n’êtes pas un poisson rouge, il vous faut fuir au plus vite. Quittez cet escalier et retournez à votre point de départ, après la douane. Par sécurité choisissez cette fois un escalier droit.
Message publicitaire
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nb : ceci n’est pas une invention mais la reformulation d’un argumentaire de vente trouvé sur internet.
Petit guide des usages d’un pont
Ces affaires de 3D commencent à vous taper sur les nerfs et vous décidez de vous livrer à une petite expérience. Vous prenez le RER, changez pour le métro, descendez à une station en bord de Seine et vous dirigez vers le pont le plus proche. Vous descendez de manière à vous placer sous le pont. Vous vous trouvez sans le savoir à un carrefour. Vous pouvez, vers le bas, sauter dans la masse aqueuse, déchirer l’étendue noirâtre , et en vertu du principe d’indélicatesse déranger les habitants invisibles, car le bas, ce ne sont pas seulement ces taches argentées que la lumière dilue. Sortez et séchez-vous au mieux. Criez, profitez-en vous êtes inaudible. Puis tentez un équilibre les pieds contre la pile et voyez le monde à l’envers, attention à la glissade sinon vous reviendrez à l’expérience numéro 1. Puis collez-vous contre cette même pile, embrassez sa rugosité suintante, respirez le millénaire. Enfin, le must ! Regardez vers le haut, précisément le dessous du pont, où un complice averti autant que baraqué vous enverra une corde à nœuds, et commencez à grimper ; vous croiserez dans votre ascension un objet rectangulaire d’une certaine épaisseur en chute libre et vous replongerez car vous êtes du genre à ouvrir les boîtes.
Très bien écrit (selon moi, bien sûr).
Vous m’avez fait rire… même et surtout si un peu jaune…
Votre vision me semble se jouer de la 3D avec un enthousiasme certain !
Tant mieux et bien vu ! Entre glousser OU hétérotopier … euh ….
Intéressant et bien écrit !
Merci !
on plonge !à moins qu’on ne s’envole, l’escalier a du tourner sans que je fasse assez attention. 😉
😄 Oui cet escalier est facétieux ! Merci Pour votre lecture complice.
Grand plaisir à lire vos textes, à découvrir leur humour dans ces visions 3d plutôt réussies ! Merci à vous…
Merci ! Votre commentaire me réjouit.
Quel bonheur que cette lecture ! On sent le plaisir d’écrire, j’espère que vous avez autant ri que moi en écrivant, mais j’en suis quasiment sûre !
Bingo ! Je me suis beaucoup amusée à écrire ces textes et je suis ravie que cette jubilation transpire et se transmette. Merci à vous
Du pied de la pile d’un pont à la carlingue d’un avion – en passant par le plongeoir cette angélique (mais sceptique) aviatrice – voilà une verticalité up-and-down (et inversement) qui me plaît bien – avec ou sans lunettes 3D ! Merci pour la touche d’humour en plus…
Cette aviatrice m’a en effet tapée dans l’œil et a-musée 😉 Merci pour votre commentaire dynamique !
Tiens, je venais justement de refermer la Modification et j’entre dans cet autre Vous. J’adore votre Vous. Un Vous parfait. Avec douce ironie. Et le recul qu’il faut. Merci pour ce texte!
Merci à vous 😉
j’aime beaucoup, texte et image !
Merci !
» ceci n’est pas une invention mais la reformulation d’un argumentaire de vente trouvé sur internet. »
Bien vu. Vous ne voulez pas reformuler ce que j’ai écrit ? Ce serait pas mal.
Non mais je plaisante. J’ai bien ri avec votre texte, merci.
J’aime bien la chute!
Merci Ana Ressouche de pointer cette chute et attirer mon attention vers l’énigme de cette boîte, que j’avais presque oubliée …
Et merci Simone Wambeke. J’ai cru apercevoir votre Suzanne dans le flux des textes … je vais aller voir où elle en est très bientôt.
Par association d’idée, la lecture de vos commentaires m’a ramenée à cette image trouvée sur internet et appréciée par plusieurs commentateurs. Je me suis sentie mal à l’aise d’avoir barboté ce tableau sans le relier à son auteur. Après recherche dans mon historique, j’ai donc retrouvé les références que je vous livre enfin : Le saut de l’ange, 2016, Bertrand Bataille.
Je penserai lors d’un prochain emprunt sur internet à les noter d’emblée sur le fichier.
C’est génial !