#anthologie #prologue | On en reparlera

En un seul jour j’en ai eu des naissances. J’ai bavé et ce n’était que le début. J’ai frotté une peau qui était mienne qui n’était pas mienne on en reparlera. J’ai eu envie de déclarer l’interdiction totale d’avoir froid ou de manquer d’un mot tendre de quelle que bouche que ce soit et on en reparlera. J’ai activé des membres dont j’étais et cheffe et premier bon public. J’ai tenté de rire quand j’avais faim cela ne s’est pas bien passé. J’ai cherché d’autres membres de mon clan j’ai appris que la distance existait. J’ai fouillé j’ai fourré mon nez dans des plis des replis qu’aucun drap ne saura imiter. J’ai grimpé pour le seul plaisir d’entendre descends allez descends. J’ai augmenté des pleurs pour m’assurer qu’il n’y ait aucune confusion. J’ai dit papa pour maman et inversement juste pour voir. J’ai colporté que j’avais un grand frère caché. J’ai dit à des inconnus que je m’appelais Sara. Et à mes parents que je n’aimais pas le gros ventre du D majuscule. J’aimais l’odeur de l’encens. Je détestais Mozart le dimanche. J’ouvrais la porte aux invités. Je craignais l’arrivée du médecin. J’attendais le samedi comme le messie. J’ai coché à rebours des grandes vacances tous les calendriers. Je parlais mieux anglais qu’algèbre.

J’ai fui la cour de récréation.

J’ai fui dans ma forêt.

J’y suis.

Vautrer mon aventure depuis. Écrire et défier ma peur et d’autres. Écrire et ne pas mourir avant l’heure. Écrire et bégayer. Écrire et réveiller la belle au bois hurlant. Écrire et accélérer en cas de barrages. Écrire et accepter de noyer plus que mon corps. Écrire et ne pas séduire. Écrire et ne pas traduire. Écrire et savoir qu’il n’y a pas d’emballage. Écrire et polir ma langue. Écrire et aller à la falaise des autres langues. Écrire et gouverner ma barque et sa bande de clapotis. Écrire et tenir ce désir élevé. Lever. Soulever. Écrire.

17 commentaires à propos de “#anthologie #prologue | On en reparlera”

  1. « J’ai grimpé pour le seul plaisir d’entendre descends allez descends. J’ai augmenté des pleurs pour m’assurer qu’il n’y ait aucune confusion. J’ai dit papa pour maman et inversement juste pour voir.» ( ça me plaît) j’ai fui dans ma forêt ( comme je comprends) «  écrire et aller à la falaise des autres langues « : c’est beau. Merci.

  2. Merci merci Delphine pour ce texte. Fuite dans la forêt de l’écriture. J’aime ce diptyque de part et d’autre de ces trois phrases décrochées, qui se nourrissent : la vie et l’écriture, vivre écrire.

    Un passage particulièrement aimé : « J’ai frotté une peau qui était mienne qui n’était pas mienne on en reparlera. J’ai eu envie de déclarer l’interdiction totale d’avoir froid ou de manquer d’un mot tendre de quelle que bouche que ce soit et on en reparlera. »

    … et toute la fin et ce précipité d’ « écrire » et de désir d’écrire. De la toute beauté à chaque coin de phrase.

    Merci encore !

    • Oh !
      Merci beaucoup Émilie, ce qui résonne chez l’autre (re)dresse un corps soudain heureux.
      Merci à toi !

  3. Texte qui donne de l’énergie, merci.
    Phrases coups de cœur : « J’ai tenté de rire quand j’avais faim », « J’ai dit papa pour maman et inversement juste pour voir », « Je parlais mieux anglais qu’algèbre ».
    J’aime aussi le côté insolent – rebelle qu’on retrouve dans le milieu de ton texte. Se défendre de toute sagesse.

  4. Très beau texte, « j’ai appris que la distance existait », que ça résonne !
    Et magnifique dernier paragraphe, ça commence très bien cette anthologie !

  5. Je suis toujours touchée par tes textes. C’est un bonheur de te lire. comment extraire ceci ou cela ? j’aime tout.
    Merci

  6. Rétroliens : #anthologie #27 | Crash tests – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer