OMBRE

OMBRE portée en haute voix  une hésitation sonore entre ombre et hombre à penser l’homme qui se réfléchit  OMBRE une inspiration qui s’échappe d’une expiration sourde et prolongée  En percer les nuances  OMBRE  qui se dresse dans les coins en début d’histoire puis se répand en ses creux pour mieux dévoiler parce que l’ombre du Soi serait plus grande que le Soi   Une silhouette qui se devine puis s’affirme ombre sous le trait de lumière accordé   OMBRE qui expose au doute interroge celui qui tente de l’effacer  assombrit ce qu’il porte en son cœur et quand  à son dessin   le doute ne se reflète plus dépossédé de ses mystères celui-là comprend sans l’ombre du doute   OMBRE un jeu à contre-jour en double-je formée de blancs et de gris de mots et de motus de mirages et de fantômes d’illusions enchâssées   OMBRE qui simule et dit le simulacre  OMBRE une invitation à se mettre à l’abri là où le soleil ne brûle pas   là encore où le dissimulé protège   là enfin  ou plutôt ici   où l’autre ne gêne plus parce que déjà  marchant loin de sa courbe  il s’efface   OMBRE un sujet de contraste qui appelle l’envers et l’endroit d’un autre mot   qui malaxe  floute  puis sculpte le verbe porteur de sens et pousse au choix jusqu’à en détourner l’impression première pour y revenir et la mettre en lumière  OMBRE qui révèle file et se fraye dans l’onde des mots et des phrases  s’y inscrit et écrit entre les lignes les non-dits  OMBRE qui joue son office  allongée sous l’éclat d’une pensée  d’une émotion  d’une sensation et qui   à s’étaler  force à se tourner vers d’autres préférences   quitte à se mouvoir entre deux eaux  entre deux mondes  entre le clair et l’obscur   à l’entre-deux   OMBRE cet écho de ce que nous sommes ou taisons   OMBRE architecte qui construit une histoire de vie quand   à son titre   elle s’affiche à l’ombre de Claire   à l’ombre du Je  ce Je qui n’est peut-être pas un Soi par la pomme d’Adam   mais d’Ève à la genèse d’un autre   OMBRE à l’épreuve d’un passé pour un Je d’aujourd’hui   qui ravive un Je d’autrefois   OMBRE qui porte les couleurs tristes ou joyeuses des instants défaits et défiés   OMBRE qui   à osciller  trouble   puis souligne de son trait l’âme et le cœur et met à nu   OMBRE qui révèle le sombre à revêtir son Je d’habits de lumières et qui part affronter le jour   traînant la nuit derrière lui    OMBRE qui flotte sur le sol   sur les murs   croise une ligne du ciel et s’invente un Je   une étoile à son sommet   pour mieux se rêver   OMBRE hésitante encore sur un Je franc qui joue avec l’élision   en prélude à sa fugue   OMBRE qui se moque du Je ficelé et contraint  qui s’étale  se répand  s’affale de toute sa langueur   OMBRE plus vraie que ce Je nature qui n’est pas Soi   OMBRE qui nargue le vide alentour et s’y précipite à son appel  oubliant vertige et terreur   OMBRE porteuse d’insolence à côtoyer de si près le néant jusqu’à s’infiltrer et basculer vers d’autres intimités plus sombres   Mais à l’ombre des OMBRES   l’hiver perce la neige   s’y oublie et se fond d’une chaleur incongrue    À l’ombre des OMBRES cicatrisent les cœurs par l’annonce d’une sève nouvelle  projetée par l’ombre d’un émoi sous la ligne de cils  en portée  qui papillote ses nuances   OMBRE d’une lèvre au sourire naissant sous le soleil mutin au creux des dunes  puis qui   chemisée de nuit  part se reposer à l’ombre des rêves   Et quand le Je et le Soi ne sont plus   l’ombre de leur souvenir s’expire en un vent de liberté…

10 commentaires à propos de “OMBRE”

  1. le dernier paragraphe vraiment très beau … 30° degré à l’ombre déjà, plus besoin que jamais de l’ombre. J’aime ces ombres multiples et pas toutes inquiétantes. je pense à L’éloge de l’ombre de Tanizaki…

    • Merci beaucoup Catherine pour ce commentaire encourageant. Quant à la référence à l’éloge de l’ombre de Tanizaki, je découvre humblement : merci !

  2. Waouw !
    Ici, la couleur du texte ce ne sont pas directement les couleurs, c’est ce va et vient de nuances, le balancement de ce je et le rythme qui ne nous laisse jamais de côté.

    • Merci Annick, si cela est ressenti ainsi c’est que le fond apparaît… un peu.

    • Merci beaucoup Solange pour la lecture et ce commentaire. Trouver sa voie ? Peut-être… Les ombres se déplacent selon les mises en lumière. A suivre…

  3. J’aime beaucoup ces ombres et leur vérité, magnifiquement portées par le mouvement ondoyant du texte. Merci CM Le Guellaff

    • Vous dire encore merci pour vos lectures et commentaires. Touchée que vous ressentiez le mouvement de ce qui ne s’assure pas, ne se fixe pas, ne le peut pas. Un grand merci encore !

    • Merci beaucoup, photo prise sur les quais de Saône, à Lyon… Une ombre qui m’est chère !