Le papier peint fleurit est abîmé. Ces couleurs ont terni. Les grosses pivoines rouge et rose ont tourné au marron. Le fond blanc a jauni. Il est taché et recouvert de petites auréoles brunes.
La salle à manger est petite. Elle est sombre, les volets sont fermés. Ça sent la poussière. Seize chaises autour d’une table en bois. Seize chaises les unes sur les autres. Seize chaises rouges, bleues, vertes.
La part de gâteau dans l’assiette en porcelaine est couverte de fourmis.
Le salon est très grand, très haut. Regarder le plafond donne le vertige. En son centre, un lustre. Un lustre kitch décoré par les toiles d’araignée.
Les rideaux empêchent la lumière de passer. Parés de vert foncé, ils sont grignotés.
Les lettres décachetées éparpillées sur le bureau. Elles ont été ouvertes brutalement. Les enveloppes sont déchiquetées.
Dans la corbeille des coupures de journaux et les petites annonces de vente des villages alentours.
Les bottes de pluie boueuses à côté de la porte d’entrée. Elles sont trouées.
La salle à manger est petite, mais tout le monde a réussi à y entrer. On s’est entassé. On est collé les uns aux autres. La table est parée de ses assiettes en porcelaine, de ses couverts en argent et de sa plus belle nappe, la blanche aux petites fleurs bleues. On parle fort, très fort, tout le monde crie, personne ne s’entend. Les bonnes odeurs se diffusent dans toute la maison. On apporte la purée et le poulet au vinaigre. Un travail à la chaîne s’instaure, les assiettes font le tour de la table. A droite, on se plaint du coup de soleil qu’on vient d’attraper. La biafine ne fait rien, on a beaucoup trop mal. A gauche on parle politique. On commence à s’emporter. Alors en face on décide de tout stopper, et on raconte la chute qu’on a fait pendant la randonnée. On parle de la chute ridicule et du pied qui tape contre la petite pierre, du corps qui perd l’équilibre, qui se rattrape au sac de devant, qui l’entraîne avec lui, et qui fait domino. La chute ridicule où tout le monde finit à terre. Plus de tension dans la petite pièce, mais des rires. Des rires à l’unissons.