Seize centimètres de fil de fer rouillé. Deux fils entortillés à pointes perpendiculaires. Ronce artificielle imaginée d’après la tige du roncier, ton nom vernaculaire « ronce » vient du latin rumex, rumicis qui signifie « dard ». Un jour, on a fabriqué des pointes torsadées sur un fil de fer avec, pour les maintenir en place, un autre fil enroulé autour de ces dernières. Morceau de barbelé, ô toi ronce artificielle, être piquant à pointes, barrage à bétail ou à prisonnier, posé là depuis des années sur une étagère en bois sombreBarbelé, ô toi ronce artificielle, être rouillé à pointes de seize centimètres, ex-barrage à bétail ou à prisonnier, champ de bataille, clôture anciennement végétale, en remplacement de haies de ronciers, amélioration du rendement d’élevages, rentabilité des terres, objet sadique par excellence, tes aiguillons acérés offrent le privilège de la douleur, l’angle aigu augmentant le pouvoir d’accrochage de la peau ainsi que son déchirement. Assez !
Seize centimètres de fil de fer rouillé. Deux fils entortillés à pointes perpendiculaires. Ronce artificielle imaginée d’après la tige du roncier, ton nom vernaculaire « ronce » vient du latin rumex, rumicis qui signifie « dard ». Un jour, on a fabriqué des pointes torsadées sur un fil de fer avec, pour les maintenir en place, un autre fil enroulé autour de ces dernières. Morceau de barbelé, ô toi ronce artificielle, être piquant à pointes, barrage à bétail ou à prisonnier, posé là depuis des années sur une étagère en bois sombre.
Barbelé, ô toi ronce artificielle, être rouillé à pointes de seize centimètres, ex-barrage à bétail ou à prisonnier, champ de bataille, clôture anciennement végétale, en remplacement de haies de ronciers, amélioration du rendement d’élevages, rentabilité des terres, objet sadique par excellence, tes aiguillons acérés offrent le privilège de la douleur, l’angle aigu augmentant le pouvoir d’accrochage de la peau ainsi que son déchirement. Assez !
Deux fils entortillés à pointes perpendiculaires. Barbelé, ô toi ronce artificielle, dont les seize centimètres rouillé ornent l’étagère en bois sombre du salon, couleur oscillant entre le marron piqueté de rouge, je t’expose à la lumière pour te décrire, je t’expose à la lumière pour te représenter. Six pointes torsadées sur un fil de fer conservées depuis des décennies, armoiries d’adolescence, d’années d’idéologie punk, emblème de révolte face à l’ignominie humaine, qu’elle soit sous forme de couronne d’épines christique, de barbelés de camps de concentration, d’atrocité ou de barbarie.
Barbelé, ô toi ronce artificielle, être piquant à pointes de seize centimètres de rouille, barrage à bétail ou à prisonnier, champ de bataille, instrument de la Passion – Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges. Les soldats tressèrent une couronne d’épines qu’ils posèrent sur sa tête, et ils le revêtirent d’un manteau de pourpre – (Évangile de Jean, 19:1 et 2), dispositif à clôturer, à délimiter clairement les possessions, à emprisonner et à contraindre, je t’ai trouvée un jour dans un bois alors que j’étais accroupie pour uriner, logée là entre la feuille d’automne et la pierre, destinée au néant, au rien, au terne, à la rouille.
Ô toi ronce artificielle, désagrégée de peu, je me suis emparée de toi sans vraiment savoir pourquoi avant que tu ne deviennes blason, étendard discret et tenace, symbole de ma résistance, de mon peu d’engagement, de ma défaillance, de ma dette et de ma reconnaissance. Occupée à uriner, quelle dérisoire disposition. Ô toi ronce artificielle qui clame mon insignifiance sur l’étagère en bois sombre du salon depuis des décennies, captation de l’insaisissable, memento mori du barbare, aujourd’hui, je te retire des ténèbres pour t’offrir à la lumière. Accroupie pour uriner dans ce bois qui jouxtait ce champ en Haute-Savoie, à proximité des vaches à tête blanches et au pourtour des yeux et des oreilles acajou, vaches appelées Abondance dont j’entends toujours le son des cloches, ta forme allongée aux reflets de rouille a attiré mon regard puis ma main s’est emparée de toi. J’ai dû te trouver belle, belle comme seize centimètres de fil de fer rouillé, séduisante ferraille usée, antiquaille aussitôt soustraite à la feuille d’automne et à la pierre, confiée désormais à l’étagère sombre de ma mémoire.
Beaucoup de plaisir à lire ce beau texte. Densité du propos et écriture soignée.
Merci pour votre commentaire ! Ce fut un plaisir de l’écrire en cinq actes…
Beaucoup aimée cette traversée rythmée par un morceau de barbelé censé emprisonner. En fait j’ai adoré. Me suis laissée surprendre à travers vos textes à me passionner pour un truc connu et étrangement jamais observé de près. Merci
Merci à vous…
C’est un barbelé élu en quelque sorte, quasi sacralisé ; jamais je n’aurai envisagé d’écrire d’après lui sans l’aide et la contrainte de cet atelier…
Voilà où il nous entraîne ! Vers des trucs oubliés ou en apparence insignifiants. On ne pourra jamais dire ; je ne sais pas quoi écrire, ou à partir de quoi écrire… A bientôt.
Magnifique !
Un grand merci à vous. Ravie que mon texte vous ait plu.
On continue !
De la dentelle… belle ronce artificielle (en image aussi) et ton imaginaire acéré…
Hello Marlen, merci à toi. Continuer à écrire…