… l’humidité perce à cœur le matelas qui était tiède tout à l’heure, un matelas fin, posé à même le métal de la remorque du camion, il charrie des frissons…
… un bitume mal lissé, le dos qui s’y pique, les membres endoloris, une couverture jetée à la va-vite, l’air qui se refroidit quand avance la nuit, les restes de flonflons et les relents de frites n’y changent rien…
… dans quel sens file le train, les yeux fermés, je devine les jambes qui se balancent dans le vide à ma gauche, les orteils vernis qui tout à l’heure se prélassaient dans des tongs, une légère vibration de l’air me les laisse deviner …
… pas encore la familiarité qu’il faut pour déambuler mentalement chez moi, tout ce que j’ai est emballé dans des cartons qui attendent, de mon lit je tâte les murs, l’obscurité est si profonde, un relief sous mes doigts, un coquelicot je crois, répété à l’infini…
… cuvette dont je n’arrive pas à remonter la pente, sommier à ressorts, hôtel miteux, couvre-lit qui gratte, fenêtre ouverte, sur la place de la gare, les conversations s’éternisent dans des gaz de scooters…
… le bois se plaint, les lattes du plancher font orchestre dès qu’on y pose le pied, elles craquettent, elles alertent, elles crissent je n’ose pas me lever, à cette heure-ci pourtant la vue sur la petite allée bordée d’arbres…
… dormi chez toi…
… sur le sofa, recroquevillée, en alerte, ne pas s’abandonner, guetter, le moindre bruit, le moindre signe, le moindre appel, veiller, vaciller, sursauter, déglutir, compter 60 jusqu’à la minute suivante, sur le magnétoscope, la nuit se déroule, sombre…
… trop loin, trop petite, me souviens pas, pédiatrie, chambre peut-être, d’autres bébés sûrement, perfusions, surveillance, caresses en passant, mains attentives, témoins lumineux des petits cœurs qui battent…
dur dur, on sent