#nouvelles2 #Histoire de mes librairies l Natacha

Posté le 2 avril 2024 par Natacha YLaisser un commentaire

2. Histoire de mes librairies

  • Librairies autour de chez moi:

  • Bref, il n’y en a pas. Tout passe par les livraisons par points relais, la poste ou, pire, camionnettes à domicile chargées d’un seul livre. Je fais de temps en temps l’effort de commander un livre à la maison de la presse de Montignac, histoire de les encourager
  • Librairies mémorables:
    – l’Ateneo à Buenos Aires, théâtre reconverti en librairie.



    Comme le dit le guide touristique argentina-excepcion.com, « ses trois étages de balcons surplombés par une magistrale coupole abritent davantage d’ouvrages et de faste que l’on ne peut l’imaginer ». Il faut un certain temps pour s’habituer à la splendeur du lieu et reporter son attention sur les livres. Dans mes premiers temps à Buenos Aires, l’Ateneo était devenu mon refuge diurne (ma demeure nocturne, foyer bordélique, crasseux et irrespirable en été pour travailleurs immigrés, n’était supportable que dans l’inconscience du sommeil). Je résidais donc à l’Ateneo, installée dans les loges reconverties en salons de lecture, allant jusqu’à y consommer mes casse-croûtes en loosedé (jusqu’à me faire choper et réprimander: impression d’être la clodo de service). C’est dans ces loges que j’ai fait connaissance avec les grands de la littérature argentine, mais pas à ses caisses que j’ai acquis leurs oeuvres. Acheter des livres neufs en Argentine est un privilège de riches, heureusement la ville fourmille de librairies d’occasion.

    – La librairie Ombres Blanches à Toulouse. Autre librairie dont j’ai fait ma demeure diurne. Incapable d’écrire dans la solitude (incapable de faire grand chose dans la solitude), je m’installais dès après le petit déjeuner au salon de thé de la librairie, y écrivais toute la matinée (un livre dont aucun éditeur n’a voulu et qui a fini en auto-édition, lu par mes parents et moi), puis y retournais l’après-midi pour écrire ou lire. Etant toujours aussi clodo, je prenais des livres dans les rayons, les lisais en sirotant mon café, puis les reposais en sortant (je ne suis pas du tout fière de moi et n’invite personne à m’imiter). Pour comble d’incorrection, je me faisais un point d’honneur de n’acheter mes livres qu’à Terra Nova, située à quelques dizaines de mètres, une de ces petites librairies toulousaines étouffées par la pieuvre Ombres Blanches).
    Entre piliers des lieux, nous avons fini par nous connaître. Je me souviens d’un vieux monsieur juif qui chaque jour était attablé devant un nouveau livre sur la shoah. Il quittait Ombres Blanches pour aller s’installer à la médiathèque Cabanis, où il piochait de nouveaux livres sur la shoah. Il ne rentrait chez lui qu’au soir (bibliothèque personnelle elle-même envahie de livres sur la shoah). Pendant le covid, ce brave homme a failli crever de solitude et de tristesse, tout seul comme un con avec sa shoah à domicile.
  • Autres librairies: rien de marquant qui me revienne.En fait je me sens un peu écrasée par la quantité de livres dans les librairies. Un peu comme les resto-buffets, où on voudrait tout avaler et c’est affreux parce que c’est impossible, on n’arrive pas à choisir, on finit par se gaver sans rien apprécier et on ressort le bide en vrac.
    Là où les librairies, c’est pire que les buffets, c’est qu’il vaut mieux deux heures de bide en vrac que la sensation d’être irrémédiablement ignorante et stupide, or c’est précisément l’effet que me fait la confrontation avec ces étagères remplies jusqu’à la gueule d’une culture que je ne serai jamais en mesure d’acquérir, par manque de temps, de courage et de capacités intellectuelles (je dis « on » mais je parle pour moi: je ne me permettrais pas).

    Je crois que je vais tomber en dépression avant la fin de cette série.

2 commentaires à propos de “#nouvelles2 #Histoire de mes librairies l Natacha”

  1. Le passage par les Ombres blanches (ces trois années de ma fille à Toulouse), je l’avais noté puis laissé de côté. Vous lire, et surtout votre façon de l’écrire m’y transporte et tout me parle ( le vieil homme aussi pour des raisons plus intimes) et ce voyage en Argentine pour rêver : un théâtre à l’italienne reconvertit en salles de lecture? Vous lire insuffle une magnifique énergie et donne envie de se secouer les puces ( je crois que la dépression me guette, une autre, celle du ramollissement et des vielles puces ) … Merci!