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Les communautés taisibles étaient fréquentes dans la montagne thiernoise. « Au même feu, au même lieu » ,« même pot, sel et chanteau de pain » des familles vivaient sur un patrimoine qui restait indivis transmis de génération en génération. Le maître et la maîtresse élus ne pouvaient être ni être mari et femme, ni frère et sœur, ni père et fille et décidaient de tout, de la répartition des tâches, des mariages, de la représentation à l’extérieur.
Trois de mes ancêtres sont nés dans une communauté taisible, ils étaient parsonniers et parsonnière peut-être depuis l’an mille. Très chrétiens aussi.
L’histoire rurale les connaît peu, encore que les agronomes du XVIII ème siècle n’ont pas manqué d’en souligner les défauts : encouragement à la paresse chez certains parsonniers, tentés de vivre au détriment des autres membres du groupe ; frein apporté aux initiatives individuelles et à l’innovation dans la pratique de l’agriculture ; faiblesse du capital d’exploitation, limitant les investissements ; mariages consanguins dans un isolat biologique, condamné de ce fait au déclin ; utilisation presque exclusive d’une main-d’œuvre familiale, au détriment des nombreux manouvriers et domestiques réduits localement au chômage ; impossibilité, en raison des indivisions habituelles, de former une classe de petits propriétaires, idéal des économistes de l’époque.
Le Code civil ne les a pas reconnues, mais les dernières se séparent à l’époque de la Première Guerre mondiale.
Et puis le monde a changé, les communautés se sont séparées devant notaire, certains nés parsonniers sont devenus dépensiers, joueurs, endettés. Les enfants ont remboursé les dettes.D’autres sont rentrés dans les ordres (les filles surtout) ou devenus évêques dans des terres lointaines. D’autres laïques acharnées et ennemies du jeu et de l’alcool, défenseurs de l’instruction publique et des services publics.
J’ai passé des vacances dans un kibboutz. Peut-être pour approcher ce mode de vie communautaire qu’avaient connu mes ancêtres.
Qu’est ce qui nous construit et nous détermine ? Qu’est-ce qui construit et détermine les structures dans lesquelles nous vivons ?
Tignes
Ma mère était savoyarde. Avant de se marier, elle avait été assistante sociale à Arêches. Les eaux du barrage de Roselend descendent par conduite forcée jusqu’au village de son enfance. On allait à Roselend comme en pélerinage pour entendre raconter le village englouti, le clocher qui sonnait malgré tout parfois. On trouve facilement sur internet les témoignages encore vibrants des habitants expulsés aux maisons dynamitées. On s’arrêtait près de la chapelle reconstruite.
C’est un très beau barrage, un temps un des plus grands d’Europe. Nous les enfants, le village englouti nous faisait plutôt rêver. Je ne sais pas ce que pensaient nos parents, sans doute partagés entre l’admiration de la prouesse technique et tristesse devant un monde disparu. Le progrès était en marche. Il est probable qu’aujourd’hui, même sans barrage, le hameau aurait disparu ou se serait transformé en station de ski de moyenne montagne. On aurait gardé les alpages, mais on n’aurait pas d’électricité.
découvre avec admiration, le goût des mots qui désignent « parsonnier » et taisible », et ne même temps un peu d’effroi (pourtant la force que cela donne)
Merci, moi aussi ces mots me font rêver. La réalité était sans doute moins agréable. Jean Anglade leur a consacré un livre « Les bons dieux ».
fascinantes ces communautés des taisibles. merci pour cette découverte.
C’est très peu connu. En avoir trois dans ses ancêtres, je me demande encore quelles traces ça laisse.