#nouvelles Danièle Godard-Livet

J’aime les archives

J’aime ces gros livres imprimés qu’on vous apporte sur un charriot, j’aime ces cahiers reliés qu’il faut commander à l’avance, parfois simples cartons munis d’un code. Leur papier épais, leur reliure, leur typographie, leur odeur et le soin qu’il faut prendre à les feuilleter et jusqu’au fouillis de certains dossiers où sont sanglées des sous-chemises pleines de papiers sans grand intérêt. Manuscrits admirables parfois, torchonesques d’autres fois avec des tâches et des écritures malhabiles, des abréviations désormais inusitées et une si belle langue, ou presque illisibles, patttedemouchesques.

J’aime le grand silence de ces lieux où l’on n’entrait autrefois que muni d’un crayon à papier, aujourd’hui un téléphone portable suffit. j’aimais jusqu’au microfilms à lire sur une machine spéciale dont on pouvait tirer d’atroces photocopies (payantes). J’aime l’œil des gardiens qui s’ennuient comme les surveillants d’une salle d’examen. L’espoir de la trouvaille, l’angoisse de l’heure de la fermeture qui approche, l’immensité du champ à défricher, tout cela produit un sentiment d’urgence, la lecture la plus intranquille qui soit.

C’est indiscutablement de l’émotion quand on ouvre le registre des premiers conseils municipaux. 1790 Premières élections, premiers conseillers municipaux, premier maire. Ils ne savent pas tous écrire, un brouillon rappelle ceux qui maîtrisent l’écrit et ceux qui ne le peuvent. Économie de papier, notes en marges, brouillon de lettre inachevée, décompte dont ne sait quoi en fin de volume.

Même s’ils sont numérisés et plus faciles à consulter, on n’oublie pas la sensation d’avoir touché des originaux. Même consultés dans le bruit de l’accueil d’une mairie qui n’a pas de salle d’archives au milieu des plaisanteries des agents municipaux quand personne n’est là pour inscrire son enfant à l’école ou connaître tous les papiers nécessaires à son mariage.

Jusqu’aux traces de consultations antérieures, coins de pages épaissis et pelucheux d’avoir été trop tournés, soulignements étrangers, marque-pages égarés, paperolles ajoutées pour dissimuler certaines informations, brouillons, schémas griffonnés que rien ne destinait à une quelconque postérité, tout est là et y reste.

Si précieux parfois qu’ils ne sont pas accessibles au public, mais seulement à quelque chercheur ayant montré patte blanche et muni de gants blancs. Et les inaccessibles, trop fragiles comme les journaux, en cours de numérisation. Je vais plus souvent sur Gallica que dans les salles d’archives, c’est pourtant là que j’ai eu mes plus belles émotions, mais sanns doute pas mes plus grandes découvertes.

A propos de Danièle Godard-Livet

Raconteuse d'histoires et faiseuse d'images, j'aime écrire et aider les autres à mettre en mots leurs projets (photographique, généalogique ou scientifique...et que sais-je encore). J'ai publié quelques livres (avec ou sans photo) en vente sur amazon ou sur demande à l'auteur. Je tiens un blog intermittent sur www.lesmotsjustes.org et j'ai même une chaîne YouTube où je poste qq réalisations débutantes. Voir son site les mots justes .

4 commentaires à propos de “#nouvelles Danièle Godard-Livet”

  1. Bonsoir Danièle,
    J’ai aimé votre texte, tant il résonne avec ma propre expérience d’une année entière passée aux Archives des Indes à Séville. J’avais, d’ailleurs le projet d’en faire le thème de la proposition 4. Maintenant, je vais y réfléchir… peut-être différemment.

  2. il y a un aspect romantique dans ces consultations – comme si on allait faire apparaître des illusions – vraiment joli (cette dimension – jolie – n’est pas étrange ni étrangère) dans la consultation de la matérialité des administrations (j’aime beaucoup) (merci)