#nouvelles #boucle2 | Raymonde Interlegator

1_quatorze juillet

2_Arielle la lionne de dieu

3_Comment trouver sa place?

4_Elle venait d’avoir dix-huit ans

#nouvelles #boucle2  04 Pierre Michon | Elle venait d’avoir dix-huit ans

Le bureau de cette société de vente de matériel électrique était devenu le sanctuaire de tous ses rêves une antre vétuste et exigüe avec ses planchers qui penchent et ses plafonds bas. Les hommes y passaient nombreux mais c’était lui de dix ans son ainé qui captait son regard, elle venait d’avoir dix-huit ans en ce mois d’octobre 1965 elle était fraichement échappée d’une l’adolescence trop courte le cœur débordant du désir de séduire. Chaque matin elle s’acheminait vers ce lieu avec l’ardeur des promesses, il sera là comme chaque matin, là à son bureau en face du sien. L’école elle l’avait quittée après la naissance de son premier enfant, le travail était devenu un impératif un gagne-pain incontournable pourtant elle aimait ce lieu sombre, gravé au fond de sa rétine le faisant exister jour et nuit jusqu’à l’aube, les archives cet espace secret était le théâtre de ses désirs le décor de sa conquête  c’est là qu’elle le séduirait, elle l’aborderait d’une phrase simple avec la candeur de l’enfance qui s’élance sans peur et sans détour, il n’y avait rien à perdre seulement le chemin direct inéluctable vers ses bras.

Cinq jours sur sept neuf heures par jour elle se posait devant sa machine à taper les factures, les chiffres moteur de son évasion déroulaient sous ses doigts comme les notes d’une partition mystérieuse elle guettait le moment propice pour aller chercher un dossier derrière lui et le frôler en un souffle un appel murmuré à son cou, un instant félin elle vivait pour ces instants volés tressaillements de son cœur, ses pas mesurés craquaient sur le parquet comme une danse silencieuse, une chorégraphie du désir dont l’odeur exhalait le doux parfum de l’ambre. Chaque mouvement  chaque geste calculés maîtrisés une poésie où l’attente se faisait douce torture. 

Le comptable était arrivé à l’improviste surprenant l’éclat furtif de leurs regards le tremblement imperceptible de leurs mains l’indifférence feinte de leurs postures n’avaient trompé personne, cet homme austère habitué à traquer les erreurs dans les colonnes de chiffres avait détecté la singularité de leurs sentiments il en avait parlé au directeur peu intéressé par les affres des cœurs humain Elle avait craint pour son emploi imaginant déjà  sanctions et remontrances la porte close sur ses rêves mais l’amour et les désirs qui brûlaient derrière les pupitres n’entraient pas dans les comptes et n’étaient pas une variable dans les calculs de productivité le chemin restait donc ouvert libre de ses pas discrets et de ses regards volés. Cette indifférence offrait à leur histoire une étrange légitimité un espace de clandestinité protégée le bureau vétuste devenait le refuge de leur passion naissante, le monde extérieur se dissolvait dans le bruit de la machine à écrire et du froissement des papiers.

Elle continuait à s’asseoir chaque jour à son bureau pendant que son esprit vagabondait dans les contrées imaginaires où leurs mains s’enlaçaient tandis que leur respiration se mêlait aux frôlements et que les appels muets devenaient plus fréquents plus audacieux elle savait qu’elle ne risquait rien avec une confiance renouvelée elle laissait sa main effleurer la sienne un geste furtif chargé d’engagements leurs conversations banales s’emplissaient maintenant de sous-entendus de regards brûlants et de sourires secrets.Ainsi chaque jour dans l’ombre et le silence feutré des bureaux leur histoire se tissait fil après fil dans la discrétion et le désir elle savait que leur amour ignoré par les chiffres et les bilans trouverait sa place dans les interstices du quotidien leur passion inavouée mais palpable devenait le moteur invisible de leurs vies. En novembre c’était décidé elle saisirait la première occasion et lui dirait « je vous accompagnerai bien aux archives » tout naturellement la situation s’était présentée un samedi matin de travail alors qu’ils étaient seuls, il avait accepté…

#nouvelles #boucle2  03 | Comment trouver sa place ?

Et si on allait doucement. Doucement, lentement, paisiblement sans hâte ni précipitation.

Les Interlegator, les Introlegator, les Interligator

Les deux familles, parents Interlegator et Lhirmann venus de quelque Shtetl – petite communauté juive d’Europe Centrale – du coté de Cracovie, parlaient le polonais et le yiddish arrivés en France après la première guerre, leurs enfants Hél, Jac, Jo. Rac, lulu  et S étaient  tous des demis frères et sœurs, c’est là qu’il faut aller doucement, très doucement parce qu’avec les fautes d’orthographe dans leurs patronymes à l’état civil certains se sont appelés Introlegator et d’autres Interligator cette confusion des noms cette confusion des identités, cette confusion des vies.

Hél et Jac partent en Israël par l’Espagne au début des années 40 et échappent aux déportations. Si on va doucement, très doucement on peut expliquer que le père Interlegator H et sa première femme sont déportés, après 4 années  il reviendra seul en 1944. De la famille Lhirmann le mari M ne reviendra jamais, plus jamais sa femme S cachée en campagne française sera épargnée mais l’absence, l’absence éternelle.

Si on va doucement les parents survivants de ces deux familles se rencontreront après-guerre cherchant l’un et l’autre à retrouver les traces de leur conjoint disparu et fonderont leur famille en rassemblant les enfants présents de chacune Jo, Rac et Lulu.  Quant à S il naîtra plus tard de leur union. Union de survie union de renaissance.

Si on va doucement  Jo Interli et Rac habitent sous le même toit ils se disent frère et sœur, mais en fait n’ont aucun lien de parenté. Vous savez avec la proximité et la méconnaissance des choses de la vie ils se marieront ils auront trois enfants deux garçons J et D une fille M et beaucoup de fausses couches. 

En avançant doucement je dirais pas à pas que les enfants grandissent, grandissent et surtout étudient la médecine parce qu’il était tellement important pour les rescapés de donner une bonne situation aux enfants… Les deux frères complices fréquentent les mêmes amis partagent les mêmes soirées, et J rencontre C, ils se marient, auront deux garçons A et S.

Et c’est là qu’il faut encore ralentir et raconter que D tombe amoureux de C la femme de son frère qui après leur divorce avec J se mariera avec D, ils auront deux filles. Ce qui fait que les deux garçons et les filles sont à la fois des demi frères/sœurs et des cousin (e) s.  Comment gérer les relations complexes et surtout comment organiser des fêtes de famille. Les cousins cousines demi-frère sœurs, difficile de se forger une identité. J s’est remarié et a eu un autre garçon avec Ma qui détestait C une sorte rivale mariée aux deux frères. 

Et c’est ici qu’entre en scène leur parente, figure d’un autre temps d’un autre monde, Arielle l’ancêtre de 114 ans, juive marocaine observante des rites religieux, elle parle avec sagesse d’une spiritualité vibrante Arielle a traversé les siècles, les continents, les cultures apportant avec elle un souffle de mysticisme elle qui a vu la lumière et l’obscurité qui a connu l’amour et la perte, elle murmure aux enfants des histoires de l’ancien Maroc, des prières chuchotées dans la nuit, des rêves portés par les vents du désert.

 Les fêtes de famille avec Arielle deviennent des moments de communion, elle parle des bénédictions cachées dans les recoins de la vie quotidienne, des chants qui relient le passé au présent. Des contes où les djinns côtoient les prophètes, mélange de rêves et réalité.

Les fêtes de famille doucement se pacifient.

Plus tard bien plus tard les enfants ont su trouver une relation et surtout une place au sein de cette famille recomposée. 

#nouvelles #boucle2  02 | Arielle La lionne de Dieu

Aller doucement. Surtout y aller.

Née 17 janvier 1910 au Maroc à Imlil.

Imlil village berbère situé au cœur de l’Atlas départ pour gravir le Jbel Toubkal (4167m) plus haut sommet du pays.

Le jour de sa naissance correspond au passage de la Grande Comète

 La visible à l’œil nu en pleine journée lorsqu’elle atteint son périhélie – W  point de trajectoire d’un objet céleste en orbite héliocentrique – voir déf W – qui est le plus proche du soleil 

Son élément dominant est l’éther – fluide subtil remplissant des espaces situés au-delà de l’atmosphère terrestre ou espaces célestes, infini – quantique – W qui est à eux endroits à la fois, voir Schrödinger

Elle culmine à 114 ans et souhaite atteindre 120 ans

 En raison de ses pouvoirs exceptionnels, entretient des liens surprenants entre le visible et l’invisible.

Deuxième d’une fratrie de douze enfants elle reçoit des pèlerins de tout âge venus du monde les enlace de ses bras généreux pour les aider à trouver  un peu de sérénité à l’image de Damayanti Idamannel de l’Ashram d’Amritapuri

Sa mère Lévana – La lune en hébreu  – lui donne une éducation dans le respect des traditions religieuses et culturelles lui permettant de suivre avec passion des études supérieures tout en préservant son héritage ancestral et son inclination pour les moins favorisés.

Son père Omer – se traduit par richesse  W –  était trafiquant internationnal de diamants entre le Maroc et la Belgique, la France, le Zaïre. Lévi de son patronyme, de la 3ème des 12 tribus d’Israël – Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon, Dan, Nephtali, Gad, Asher, – Joseph, Manassé Voir Youtube documentaire de Snaï, Ephraïm – Benjamin la douzième

Variantes à consulter pour en débattre dans les Yeshivote – écoles supérieures où l’on étudie le Talmud –

Discussion

Disponible dès que les mots vaudront plus que le silence

#nouvelles #boucle2  01 | quatorze juillet

Installés sur nos chaises métalliques nous étions confrontés au dévers d’un sol irrégulier c’est dans l’obscurité moite de cette nuit du quatorze juillet l’air chargé d’une odeur troublante un parfum de soufre nous empoigne au cœur des nuits interdites, là où les limites se brouillent où les jeux deviennent des invitations tissant l’étoffe de nos désirs. Pétard, une exhalaison enivrante nous happe réveille les sens engourdis embrase les passions au-delà du raisonnable ça sent le pêché, le théâtre des folies, un aimant nous attire quand nos regards se croisent ; entre les ombres dansantes et les murmures complices, nos âmes se trouvent. Pétard ça sent le soufre, pour nous assoiffés de liberté brisant les chaînes de nos interdits et explorant des territoires inconnus. 

Innocente et aventureuse j’ai quinze ans, mes yeux comme des mappemondes invitent au voyage, captant chaque détail chaque recoin d’un monde imaginaire cernés de cool mes yeux aux cils comme des faux cils s’animent au moindre battement ; lui ensorcelant avec son sourire taquin, impossible de ne pas lui répondre au premier instant où je devine le reflet de mon propre désir, ma curiosité devient insatiable échange muet d’une attirance inexplicable et palpable, celle de rêves enfouis de l’audace à la découverte de soi, voyage initiatique, j’ai quinze ans le flot tumultueux de l’adolescence.

Il vient me prendre la main pour un slow brise le silence de sa voix caressante

– Je ne vous jamais rencontrée ici au Bois Fleuri 

Je lui réponds 

– J’habite Paris et ne viens que pendant les vacances et certains week-ends

Mes longs cils accrochent une goutte de rosée, peut-être une larme à cause de cette chanson « Tous les garçons et les filles de mon âge… » 

– avez-vous déjà été amoureux ? L’amour existe-t-il ? 

Ses mots résonnent comme un écho lointain venu d’un autre temps

Je sens le poids de ces interrogations l’urgence du doute 

Des fumigènes nous entourent tourbillonnant comme des fantômes dans la brume, leur fumée un monde parallèle nous effacent, le slow se termine laissant place à un silence chargé d’électricité, soudain une note de  musique déchire l’air, Johnny prend les commandes nous entraîne dans un rock les premiers accords résonnent comme un appel à la liberté, à l’insouciance à l’énergie qui sommeille en nous, vivre maintenant, une mise en abîme de sensations des frissons de nos corps en mouvement explosion de vie euphorie collective d’une nuit qui ne s’arrête.

10 commentaires à propos de “#nouvelles #boucle2 | Raymonde Interlegator”

  1. C’est beau, 15 ans, merci Raymonde pour cette lecture matinale.

  2. Merci Clarence pour votre message… A vrai dire je suis découragée car je n’arrive pas à mettre ensemble de mes textes dans cette boucle, je suis dépassée par cette nouvelle formule qui ne concerne pas l’écriture à proprement parler mais la forme… je cherche de l’aide… Bonne journée

  3. oh que j’aime la simplicité presqu’arrogante de cette rubrique d’encyclopédie (solution plus radicale et beaucoup plus jolie que la mienne pour une vie sans bruit)

  4. oh merci Raymonde pour votre texte, très beau et réminiscences pour moi, je suis allée en haut, sur le mont Toubkal, j’ai passé la nuit à Imlil, il y a longtemps, presque dans une autre vie.

    • Merci Khedidja pour cette rencontre entre réalité et fiction, en effet nous vivons plusieurs vies

  5. Chère Raymonde, pas de panique… je suis dans la même perplexité, mais pour moi non anxieuse, car l’écriture doit rester un plaisir de dire et non de se manger la rate. Encore une fois, il ne s’agit pas d’écrire n’importe quoi sous la consigne du jour, mais de mesurer l’écart qui existe entre nous et ce qui est suggéré.  » J’enjeu » comme dit FB est de dépasser ses propres frontières techniques et de choisir le style et le tempo qui nous plaira. Votre texte de rencontre à 15 ans m’émeut beaucoup, puis que je l’ai vécu , mais nous avons évité les feux d’artifice, mais avons préféré le clair de lune au bord de la rivière pour laisser parler nos désirs. Je vis encore avec cet homme, et le souvenir de la rencontre est intact. Votre texte est important, n’ayez pas peur de ce à quoi il vous renvoie et qui est précieux. On ne défriche pas dans la mémoire sans côtoyer les broussailles et les mots encore cachés. Je crois qu’il est bon de prendre un peu de distance avec ces exercices qui ne sont le reflet que de préoccumations que nous pouvons ou non partager. L’important ici, ce sont les rencontres et les possibilités d’être lu.e.s et non « drivé.e.s » comme des chevaux de course. Certain.e.s ont besoin de cela, quand ce n’est pas le cas, pourquoi ne pas rester avec les escargots. Aujourd’hui , je m’amuse… Je vais attaquer les deux dernières propositions. Moi aussi j’aime les profondeurs avec des références différentes… Allez, hop ! comme on dit dans les vidéos…

  6. Redéfinissons, merci Marie Thérèse pour cette mise en perspective,
    à la chaleur des « broussailles » enflammées j’oublie parfois que j’écris histoire de dire… « J’enjeu » le jeux du je intériorisé joli mot, on peut rigoler et pour la rate c’est excellent.