#2.3
Troisième malaise
Famille éloignée
Les Chousky, un vieux couple de Russes exilés, vivaient à trois, avec leur fils mutique au même rez-de-chaussée que nous, dans un studio identique au notre. Le père et le fils étaient peintres en bâtiment; ils ne parlaient jamais, disaient à peine bonjour. Seule Madame Chousky aux cheveux blancs était affable. Elle était toujours souriante. Tous les jours elle arrosait les géraniums rouges de sa fenêtre. Régulièrement elle venait sonner à notre porte pour nous offrir une pâtisserie qu’elle venait de cuire. Toujours ma mère remerciait avec un sourire poli sans jamais l’inviter à entrer. Jamais je n’ai pu goûter les offrandes sucrées de la généreuse Madame Chousky : elles étaient jetées à la poubelle avec une méfiance méprisante, méchante, un dédain imbécile, une prétention inacceptable. Soixante ans ont passé. Je garde un tendre souvenir de Madame Chousky et de ses cheveux blancs et un goût immodéré pour les pâtisseries aux saveurs étrangères. Question famille, je penche plutôt pour mes cousins : David Greybeard, Chang,rebaptisé Ham, Enos, pour ne citer que les plus connus.
Deuxième malaise
John Rigobertson
Pour les articles homonymes, voir Rigobert Song(homonymie).
John Rigobertson est un ornithologue français d’origine islandaise né le 12 août 1952 (1) à Cayenne(Guyane française). Spécialiste de l’avifaune antarctique, il a participé à de nombreuses missions au sein de stations de recherches en Terre Adélie.
Biographie
On ne sait pratiquement rien de son enfance et de son adolescence passée en Guyane sauf que c’est en autodidacte qu’il se forme à l’étude des oiseaux grâce a l’ouvrage de James Bond, A Field Guide to the Birds of the West Indies, offert par un ami amérindien avec lequel il ne cessera jamais de correspondre.
Aussi discret sur sa vie professionnelle que sur sa vie privée, John Rigobertson s’est installé en Corse à la fin des années 80 (2).
Ouvrage
John Rigobertson, Waiting island, KDP Amazon, 2021 – ASIN : B092LLPP7V
Notes et références
(1) Naître la même année que la première version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) ne cesse jamais d’interroger.
(2) Ugo Pandolfi, Foutu foutoir, in Decameron Libero, Editions Albiana, 2020 ISBN 9782824110707
Premier malaise
Une ferme dans la plaine, la chambre obscure, la lumière interdite, une vague forme allongée et sans doute une odeur de fleurs
On ne voit dans le noir que ce que nous suggèrent les paroles qui précèdent la visite autorisée. La forme sous les draps n’est pas grande. Le visage est absent. Seule la main gauche, blanche, se devine, à peine.
La voix de la femme allongée n’a pas d’âge. Elle est claire, discrète, courte, brève.
Au sortir de la visite autorisée, l’humidité de la plaine boueuse rassure. Même les cris des grands corbeaux noirs omniprésents font du bien. Il n’y a pas d’autres sons dans le brouillard de Châteauneuf-de-Galaure.
Nos amies très chrétiennes nous y avaient invité et nous avions fait retraite, cinq jours. Il faisait froid dans un paysage boueux. Nous ne savions pas que les garçons et les filles n’avaient pas le droit de dormir ensemble. Nous avons respecté toutes les règles cette communauté. Marthe Robin nous reçut en couple. Nous n’avions pas de questions particulières à lui poser. Nous lui avions honnêtement dit notre absence de foi. Je n’ai pour ma part aucun souvenir des mots qu’a pu dire cette femme dont les fidèles adeptes attendent la béatification depuis son décès en 1981. En 2010, la Congrégation pour la cause des saints signe la positio de cette inspirée de Jésus. En autorisant en 2014 la promulgation d’un décret reconnaissant l’héroïcité de ses vertus, le pape François déclare Marthe Robin vénérable. D’autres voix chrétiennes parlent d’imposture mystique. D’autre voix chrétiennes évoquent aussi une histoire psychopathologique et un secret de famille sordide.
Si l’on en croit le philosophe catholique Jean Guitton qui passa durant une vingtaine d’année prés d’une quarantaine d’heures avec Marthe Robin, ce qu’a vécu cette mystique dans sa chambre obscure, c’est l’enfantement, une femme met au monde un fils que le dragon du ciel veut dévorer. La femme et le dragon du chapitre 12 du livre de l’Apocalypse. Le dragon, précipité par les anges sur la terre, poursuit la femme. Ne pouvant l’atteindre, il attaque sa descendance, « ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus ».
Quel étonnement ! J’espère qu’il y aura une suite ou d’autres anecdotes de cet acabit. Beaucoup aimé. On pense au domaine des murmures de Carole Martinez en moins sordide. Merci, Ugo.
totale surprise de retrouver Marthe Robin ici et Guitton
j’aime la délicatesse de l’abord, du ton (pouvais vous faire confiance à vrai dire) qui nous laisse libre (me ramène à mon adolescence… bon ce n’était pas cette histoire ni Guitton mais la découverte de Thérèse d’Avila et de Saint Jean de Doeu, une étape entre catholicisme consolant de la famille et le hors religion)
Je me vois ignorante face à votre texte car je ne connais ni Marthe Robin ni Jean Guitton mais je reconnais votre écriture et cette atmosphère si bien décrite. Merci Ugo.
Merci Anne, Brigitte et Clarence de vos allers et retours dans ce brouillard très chrétien de mes souvenirs. Je découvre après avoir rédigé cet exercice que le fond de commerce des ami(e)s de notre mystique se porte bien et s’est bien adapté aux supports numériques de la communication contemporaine. Voir: https://www.martherobin.com/
Tout le mystère est là! Vraie rencontre sans repère ni vraie rencontre . Puis les informations précieuses pour avancer dans l’histoire. Merci Ugo
Merci à vous Nathalie. L’absence de rencontre et de repères, il s’agit bien de ça. Comme la rencontre fortuite d’un agnostique athée et d’une mystique plagiaire dans une chambre obscure. Il ne s’est rien passé.
Et comment on apprend que James Bond (né le 4 janvier 1900 à Philadelphie (Pennsylvanie) et mort le 14 février 1989 dans la même ville) est un ornithologue américain, qui a notamment donné son nom au héros de Ian Fleming. (1952 : une année remarquable à plus d’un titre c’est aussi l’année de naissance de Frédéric Cheval ) Merci Ugo !
Où et comment John Rigobertson laisse de discrètes traces de son apparition/disparition… bonne journée !
Merci Nathalie, merci Stéphanie de vos retours. Écrire comme jouer au bonneteau sans que jamais le lecteur puisse trouver la bonne carte.
ça semble facile en vous lisant cette mise en encyclopédie et pourtant… mais ma foi votre personnage est moins banal que ma vieille femme à la vie ordinaire
Merci Brigitte; mais pas d’accord avec vous: mon personnage est banal dans ses mensonges alors que votre vieille dame est criante de vérité.
oh merci à Madame Chousky d’êtee si gentimlent et chaleureuselent telle qu’elle le devait (et portrait en nég
oh merci à Madame Chousky d’être si gentiment et chaleureusement telle qu’elle le devait (salut à la petite touche en contraste de l’autre portrait)
Madame Chousky je suis certaine que vos pâtisseries étaient inoubliables la preuve elles sont repeintes ici… Madame Chousky je vous embrasse. Merci Ugo pour cette histoire douce et terrible
Merci Brigitte, merci Nathalie d’être si tendres avec Madame Chousky. Profondément touché.