# nouvelles # boucle 2 | Laure Humbel

  1. Le musée grégorien étrusque
  2. Paul Lamarche
  3. À propos d’une famille

1. Le musée grégorien étrusque

Il m’avait attendue, et pendant que le flot des visiteurs arrivés à la première heure prenait le couloir de gauche, sur un sol de pierre, sous des voûtes sculptées, nous obliquions à droite.
Il m’avait attendue pour cela. Il n’attendait que moi.
– C’est par là.
Les couloirs du Vatican sont longs et éclairés comme les nuits de fin décembre.
– Vous êtes professeure d’étruscologie…
Dans la rédaction de mon mail, je m’étais fait un peu mousser.
– Je prépare, répondis-je, des conférences sur le sujet.
– Regardez comme c’est beau !
Par la fenêtre, un matin blême, mais un blême où transparaissait déjà le bleu perçant du ciel romain, par la fenêtre la succession harmonieuse des arcs répétés sur les façades qui bordent la cour de la Pigna, il me cite un architecte, Pirro Ligorio, et j’opine doucement de la tête, pour ne pas paraître ignare.
J’étais venue pour les Étrusques.
– Le plus beau chef d’œuvre, à mon sens – me dit-il – de la Renaissance.
Il avait des lunettes et une tête ronde.
Je ne sais pas son nom, il m’a dit son prénom peut-être, et je l’ai oublié, le guide-gardien qui m’était préposé, rien que pour moi et sur ma requête – un simple mail la veille au musée. De son visage les contours vagues, les cheveux noirs en broussaille que ma mémoire peine à recomposer.

Me conformant à la réponse reçue à mon mail de requête, je m’étais présentée avant la première heure. Lui, et d’autres gardiens, en uniforme, à attendre dans le vaste sas où d’ici peu déferleraient tant de pas vers la Sixtine, lui dont me présentant au guichet, on me dit qu’il m’était assigné, qu’il m’ouvrirait les portes, des salles rien que pour moi.

Venue l’avant-veille, déjà pour les Étrusques, j’avais trouvé closes les salles du musée du pape Grégoire ! Celui de la tombe aux bijoux de Cerveteri ! Celui des urnes en terre cuite en forme de cabanes !

Réclamation, moi enseignante, spécialisée, venue exprès à Rome, presque tout était vrai, les mots étaient choisis à peine au-dessus de la réalité. Mais oui madame, revenez demain, un quart d’heure avant l’ouverture, on vous accompagnera.

Il m’accompagnait. Il était là pour me surveiller aussi, que je n’aille pas une deuxième fois voir Michel-Ange ou Raphaël.

– Vous venez de France ? Oui, j’ai été à Paris. Mais ce que j’aime c’est Vienne.

Il me laissait à peine évoquer ce musée longtemps désiré vers lequel nos pas, le long de ces longs couloirs, nous menaient.

– Dans quelques jours je pars à Vienne, me disait-il en laissant son regard filer sur les symétries Renaissance.

L’enthousiasme transperçait le flegme imposé par sa position de gardien de musée. Tous les ans, le Nouvel An, les valses…

Dans les vitrines les guerriers de bronze filiformes, les bijoux en lame d’or, les hydries à figures noires, les miroirs de Caere (des dizaines et des dizaines de ces cercles dépolis avec des manches très fin, un métal sans plus de reflets, où restaient gravées des histoires terrifiantes, des pratiques étonnantes, des scènes à faire rêver). Les salles étaient larges et hautes, la scénographie démodée.

Il poussait les lourdes portes. M’ouvrait ce musée longtemps rêvé. Lui dont le regard rêvassait à trois temps, par la fenêtre où le jour se levait.

2. Paul Lamarche

Article

Discussion


Pour les articles homonymes, voir Paul Lamarche (homonymie) et Lamarche.


Paul Lamarche, né le 7 mai 1902 à Blessey et mort le 24 octobre 2003 à Source-Seine est un employé municipal de la Ville de Paris. Il fut gardien du parc des Sources de la Seine pendant plus de cinquante ans.

Biographie
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Enfance

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Carrière

En 1924, à l’âge de 22 ans, il obtient l’emploi de gardien du parc des Sources de la Seine, qu’il occupera sans discontinuité pendant plus de cinquante ans, jusqu’en 1975. Habitant sur place, il veillait sur les lieux, protégeant ses herbes folles, sa beauté, sa faune endémique et les esprits de l’eau. Il n’a jamais reçu la visite d’aucun maire de Paris ni du Havre.

Son épouse, Madame Lamarche, tenait le Café Sequana, célèbre pour ses tartes au citron. (réf manquante) La plat préféré de Paul Lamarche était le bœuf Miroton (référence manquante).  Il s’est toujours tenu à l’écart des séances druidiques organisées à chaque solstice aux Sources de la Seine par la Société druidique de Bourgogne. Il faisait néanmoins preuve d’un grand respect pour la nature.

Au début des années 1970, il assiste à la construction du premier pont sur la Seine, œuvre de l’ingénieur Cardinet. En 2002, pour le centième anniversaire de Paul Lamarche, la commune décide de donner son nom à ce pont. La cérémonie d’inauguration a lieu en 2003, en sa présence, peu de temps avant sa mort.

Conjoints et enfants

Épouse : Madame Lamarche

Fille : Marie-Jeanne Lamarche, épouse de Jacques Fournier. Membre fondatrice de l’Association des sources de la Seine, elle est élue maire de Source-Seine en 2014.


Postérité

Un pont porte son nom : c’est le premier pont sur la Seine.

Paul Lamarche (homonymie)

Article Discussion

Cette page d’homonymie répertorie les différents sujets et articles partageant un même nom.
Pour les articles homonymes, voir Lamarche


Paul Lamarche peut faire référence à :

Paul Lamarche (1902-2003), employé municipal de Paris
Paul Lamarche, un pont qui porte son nom 
Paul Lamarche, rhumatologue à Bruges
Paul Lamarche, théologien
Paul Lamarche, courtier, chambre immobilière de l’Outaouais
Paul Lamarche, fabricant de cidre en biodynamie

Paule Lamarche est une artiste peintre

Discussion
Les faits rapportés sur Paul Lamarche dans la page qui lui est désormais justement consacrée en ligne n’ont de certains que le flou qui les entoure, comme un galet dans le lit d’un fleuve voit ses contours changer à tout instant, et se dérober à la vérité unique que les esprits carrés voudraient assigner à chaque être et à chaque chose. Personnage public depuis qu’un ouvrage d’art porte son nom, sa biographie n’est pas à l’abri des élucubrations que tout un chacun peut inventer et répandre. Force est de constater que sa vie et sa carrière sont peu documentées. Il est donc heureux que le nom d’un homme ayant consacré sa vie, en compagnie de son épouse, à une tâche aussi humble que l’observation et la protection d’un lieu naturel ruisselant, renfermant un monde d’insectes, de poissons et de batraciens digne du plus grand silence, soit chuchoté au gré d’un tout petit pont sans piles ni haubans. Au milieu de cette nature, pour l’honorer et s’en prémunir, l’homme a bâti des terrasses, un temple et des fontaines, jeté dans l’eau des ex voto en bois de chêne représentant des yeux, des vulves, des pieds, des bras. Deux mille ans passent et la Seine serpente. S’avisant que cette eau abreuverait Paris et son parc Montsouris, des statues furent plantées, ainsi que des arbres d’espèces exotiques, comme le cèdre ou le sapin, en bordure de pelouses, datant du premier coup d’œil l’aménagement du lieu aux années du second Empire. Si l’administration pose le nom de Paris dans ce coin de Bourgogne, la terre gorgée et le cours d’eau où se rejoignent les sept sources s’empresse de nous rappeler que les frontières et les tracés ne tiennent pas longtemps en place.

3. À propos de sa famille

Il était issu d’une femme et, peut-être, d’un homme lui-même issu d’un homme et d’une femme dont la lignée retraçait sa noblesse jusqu’au Moyen Âge. C’est-à-dire que sa grand-mère avait épousé un roturier. Tout le monde connaît ce mot, mais aucun d’entre eux, même avec un effort de mémoire, n’aurait pu se souvenir qu’il fût employé dan sla famille. Ses grands-parents trouvaient ridicule cette histoire de particule, ou plutôt affichaient qu’ils la tenaient pour ridicule : ils portaient haut leur particule, mais en ridicule, particule d’ailleurs effacée de l’état-civil par son origine féminine.

Le mot famille évoque un ensemble à la fois rigide et flou, des gestes et des secrets, des silences communs, des ressemblances qui vont au-delà de la forme du nez, des déchirements pour un mur de pierre, une commode en bois, un anneau de métal, des solidarités que ne conditionne pas l’action individuelle, des retrouvailles prévues selon une temporalité cyclique, un lieu où l’on interdit aux enfants de prononcer certains mots, des exils forcés et des retrouvailles dans des pays lointains après nombre d’années, une loi morale, quelque chose de l’ordre et de la rigueur, même les familles heureuses qui se ressemblent toutes, des choses tues et pourtant sues, un lieu où l’on peut se permettre la décontraction, mais jamais tout à fait d’être tout à fait soi, quelque chose de l’ordre du nœud, un groupe exclusif aux contours mouvants, un ensemble dont la nature est difficile à définir, car il y a autant de façons d’être famille que de familles, mais dont on peut affirmer qui n’en fait assurément pas partie, un lieu de tables mises ou de télé allumée, avec tout cela qu’elle évoque, et tout ce qu’elle convoque de sentiments fondateurs et contradictions, souvent violents et toujours forts, il est rarement question, et d’autant moins en famille, de la déchirure originelle, de la dilatation répétée de vulves, de la sensation joyeuse et tragique d’une semence qui se répand sur les tissus internes, des angoisses et des vomissements, des ventres où se développent des créatures vivantes – certaines mortes avant terme – la ténèbre du ventre que son être pré-conscient, en se développant lui-même, a rendu sphérique et a fait souffrir, cette ténèbre a conçu et abrité deux autre être qui vivent encore sous le jour.

Il faudra parler de sa mère.

Il faudra dire aussi que malgré le doute existant sur la paternité de son père, ou peut-être à cause de cela, il a renoncé très jeune à toute forme de jalousie.

A propos de Laure Humbel

Site internet : Sur mes tablettes, laurehumbel.fr. Dans l’écriture, je tente de creuser les questions du rapport sensible au temps et du lien entre l’histoire collective et l’histoire personnelle. Un élan nouveau m'a été donné par ma participation aux ateliers du Tiers-Livre depuis l’été 2021. J'ai publié «Fadia Nicé ou l'histoire inventée d'une vraie histoire romaine», éd. Sansouire, 2016, illustrations de Jean Cubaud, puis «Une piétonne à Marseille», éd. David Gaussen, avril 2023. Un album pour tout-petits, «Ton Nombril», est paru en octobre 2023 (Toutàlheure, illustrations de Luce Fusciardi). Le second volet de ce diptyque sur le thème de l'origine s'intitule «BigBang», la parution est imminente.

2 commentaires à propos de “# nouvelles # boucle 2 | Laure Humbel”

  1. Ah, magnifique !… On visite et on rend visite… ça se rejoint, ça fait don et contre-don en somme…

  2. Laure on avance avec toi et tout est là : la rencontre, le lieu, les choses … le temps ( il m’avait attendue … il m’accompagnait.. il me laissait… poussait les lourdes portes) ton beau texte réveille ma mémoire et me donne envie de « revisiter une visite » au musée … Merci

    petite question dernière ligne coquille ?(rêvasasit »)