La dernière volée
Je me promenais avec ma chienne dans l’avenue des Bouriennes, le soleil brillait, la matinée finissait, les vacances de Pâques aussi. Une vieille dame était en train de regarder le bas de sa clôture, les sangliers comme tous les ans étaient passés et ils avaient soulevé son grillage ; après sa mort ses enfants installeront un petit muret en béton espérant empêcher les dégâts, ils n’y arriveront pas plus qu’elle. Je ne me souviens plus comment la conversation a commencé, elle a dû me parler des sangliers et des dégâts et puis elle m’a demandé où j’habitais, je lui ai répondu, et constatant que nous étions presque voisins, elle a souri, j’ai enchaîné sûrement en lui disant qu’elle avait une belle maison avec un immense jardin et la chance d’avoir un terrain de tennis. La vieille dame m’a souri à nouveau et elle m’a raconté l’histoire de ce terrain de tennis :
Mon mari a travaillé toute sa vie, il était passionné de tennis, il adorait jouer avec cette balle jaune, il avait une entreprise dans le bâtiment, à notre retraite il a réalisé son rêve, construire cette grande maison avec un cours de tennis pour jouer avec ses enfants et ses petits-enfants. Quand on est venu s’installer, il s’est inscrit au club de Saint-Pierre, il a rencontré d’autres passionnés et il jouait presque tous les jours quand la météo le permettait. Il m’avait toujours dit qu’il espérait mourir sur un cours. C’est ce qui est arrivé, un jour il jouait avec un ami et il est monté à la volée, il a eu une attaque, il avait soixante-dix ans, il est mort comme il l’avait prévu. C’est pour l’ami avec lequel il jouait ce jour-là que ç’a été difficile, il a mis du temps à s’en remettre. Maintenant mes enfants jouent l’été et mes petits-enfants aussi.
Quand je promène maintenant et que j’aperçois le cours, je pense à ce passionné qui est allé au bout de son rêve et qui a choisi sa mort, mais il reste une question à laquelle je n’aurais certainement jamais la réponse : est-ce qu’il a marqué le point sur cette dernière volée.
