#### nouvelles| Marie-Thérèse Peyrin | boucle 02 |Vous êtes célèbre ? On se souvient de vous ?

Après plus d’une semaine de réflexion et un blocage de taille sur cette consigne inconfortable, il me paraît impossible d’inventer quelque chose à propos d’un personnage réel ou fictif sans pouvoir le relier à des informations existantes dont la teneur me paraîtrait d’une pertinence arbitraire et hasardeuse. Il ne peut pas exister de faux wikipedia ! Des erreurs, des inexactitudes, des omissions oui ! La vie humaine même un peu célèbre ne peut se confiner dans une mémoire qui ne se fie qu’aux initiatives maladroites et peu scrupuleuses de l’éthique dans ce réservoir sans fond de savoirs ouverts à tout vent, hautement subjectifs, malgré les apparences. Inscrire un individu , un objet dans son descriptif et son pedigree -elle ou lui, sa vie , son oeuvre et désormais son influence, relève de la mégalomanie prurigineuse. Je veux laisser tranquilles les mort.e.s pour cette fois, et ne pas trop idéaliser les vivant.e.s les plus en vue. Au pire, j’aimerais qu’il existe un vrai wikipedia pour les anonymes, les sans grade, les sans particules, les sans domicile fixe, les sans famille, les sans particularité, les sans patrie, les exilé.e.s, les gens de peu, les gens discret.e.s qu’on aurait écoutés sans les obliger à montrer autre chose que leur sens de la vie, de la résilience, de l’amour et de la générosité dans un monde qui perd sa conscience dans l’uniformisation des désirs et de sa soif de conquête suicidaire. Je ne veux pas jouer avec la vie des gens, même en fiction J’avais pourtant pensé à deux possibilités : « le préparateur mental  » et  » le funambule », wikipedia en regorge… J’ai aussi croisé la route de François de Closets dans la bibliothèque paternelle, un célèbre dont plus personne ne parle… Mais ces trois silhouettes sont restées dans les vestiaires de mon imagination. J’ai presque honte d’avoir creusé dans cette direction. Entre temps Bernard Pivot et Henri Gougaud sont morts ( le même jour !) et l’odeur nécrologique de Wikipedia m’est remontée dans la gorge comme un vieux sanglot…

« J’ai vécu sous le regard d’un petit garçon aux grands yeux tristes qui ne comprend pas ce qui lui est arrivé. Comment passe-t-on, sans l’avoir jamais imaginé, d’une enfance grise et sans avenir à une vie passionnante ? Cette histoire à n’y pas croire, c’est la mienne. Je n’ai pas écrit ce livre pour la raconter, mais pour la comprendre.
J’ai vécu mes dix-sept premières années dans une famille nombreuse et ruinée que je voulais quitter. Mon bac en poche, je me retrouve seul sur le pavé de Paris, sans un sou. Heureux. Je mène une vie de bohème sans projet, étudiant par intermittence, mais surtout apprenti comédien, clown, romancier…
Puis des événements, toujours inattendus, me conduisent, pas à pas, là où je devais arriver. Je suis happé par le journalisme, par la science, par la télévision, par les livres. Tout ce pour quoi j’étais fait et que je n’avais pas imaginé.
Au terme d’une véritable enquête sur mon passé, j’ai redécouvert les détails oubliés, les épisodes négligés, et les pièces du puzzle se sont remises en place. Cette enfance ratée, cette adolescence insouciante ont, à mon insu, façonné mon existence. Je ne savais pas où j’allais, mais il me suffisait de saisir les opportunités pour y parvenir.
La France des années 1950-1960 permettait ces parcours atypiques. Pourquoi celle d’aujourd’hui ne donne-t-elle plus à la jeunesse le droit à l’errance ? »

françois de closets, Le monde était à nous

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.