Ma colère me serre dans ses huit bras ma colère est un magma de perles purulentes, larmes de rage dans la solitude ma colère c’est tout ce que j’ai. La vie, personne ne sait ce que c’est. En réalité. Et les vivants qui croient qu’ils la détiennent, que c’est leur propriété ! Ils ne veulent pas de moi et je ne veux pas d’eux, mes ingrédients sont d’une autre nature, c’est évident, mes ingrédients : des étoiles clignotantes peut-être ? d’où mon clignotement, mon clignotement. Moi j’irai la chercher la liberté même si elle n’existe que dans ma tête et c’est déjà ça, c’est déjà ça quelle existe dans ma tête ça prouve l’existence de ma tête, ah tu es têtu dit ma mère à chaque fois ; têtu et sans cervelle. Pourquoi. Si on est têtu c’est qu’on a une tête donc une cervelle. La cervelle de mouton fond dans la bouche est-ce-que ma cervelle peut fondre dans ma tête, dans mon crâne ? Ils ne veulent pas de moi et je ne veux pas d’eux,
NoN. Petite bouche grande ouverte entre deux gendarmes sanglés, deux portes barrées, condamnées, défense d’entrer. NoN. Le cri sur le pont, le cri pur sur le pont au-dessus de l’eau, le cri de qui ose au-dessus de l’eau passer le pont même s’il n’y a pas de pont Ô, d’horreur la bouche hurle, grande ouverte à se péter les mâchoires, à se péter les mâchoires en avançant le cou, pendant que les mains se plaquent sur les oreilles, ne voulant rien entendre, pas même ce
que je veux, c’est le scooter, le bi-wiz, et partir. Ils ne savent pas ce que c’est que la vie, moi je sais. Je sais que je sais, même si la lune elle-même me dit que c’est pas vrai. Aller sur la lune, je m’en fous, moi je veux du respect. Je voyage immobile comme la poussière, ça les énervent. Il y a erreur. Il y a infinité de manières d’erreurs. Tout le monde a une place dans l’univers, sauf moi. Ils ne veulent pas. Je mange ma cervelle avec du vinaigre, étalée sur une tranche de pain. Et ça me fait rire. Je suis le seul ici à me souvenir. Je suis têtu à me souvenir. Et ça me fait pleurer et je me mets en face de la mer et je crie des insultes.
NoN proféré qui devient, dans le cri, un NaN NaaaaaN, la bouche, ici figurée de profil par le « a », sous l’effet de la rage du refus, passant du circulaire au rectangulaire, formant un long rectangle en hauteur, tandis que le son monte derrière les narines, occupe tout l’espace dans les limites du crâne, ce qui le rend nasillard jusqu’au perçant, même si la force de l’émission malmenant les cordes vocales, ajoute à la voix un raclement, un voilement puis un enrouement qui peut aller, si la situation se prolonge, jusqu’à l’aphonie.
Ma gueule jure avec le paysage, avec l’architecture, ma gueule ne fait pas plaisir à regarder. Ils ne veulent pas de moi. C’est le genre de gueule qu’on voit à la télé des gueules de gens accroupis qui font la gueule malgré qu’on leur donne des couvertures de survie et des bouillons chauds dans des bols en plastiques qu’ils ont du mal à tenir entre leurs mains parce qu’ils ne sont pas morts comme les autres qui sont tombés à l’eau. Est-ce-que je peux traverser à la nage, jusqu’au continent ? Non. Comment partir, alors ? Je ne sais pas. Ah, ma colère aux huit bras ! Le monde est un gros non, gros nœud moi pris dedans, attaché dans le filet, pétrifié, mort. Chargé de chaînes et de poids dans le filet, silence de plomb. Par le fond.
NoN peut exister sans le son, c’est le non muet des rêves, le non qui sait qu’il ne sert à rien mais le fait quand même, le NoN des petits enfants qui n’ont pas encore oublié dans quoi nous vivons (un rêve), le NoN qui rejette ce qui lui est proposé de peur de perdre tout le reste, tout ce qui n’existe, n’existera, n’aurait aucune chance d’exister s’il y avait acceptation du proposé. Proposé ? Imposé oui, alors NoN.
je dis oui à ce non têtu