Faire l’actrice, faut des photos, il cloute un drap contre la porte, elle se tient droite, léger déhanché, sourire, coupe au carré qui dynamise, elle aurait bien osé plus court, mais à la formation pour apprendre à se vendre, bout de viande, la directrice de casting lui a dit non, trop risqué, pourrais te louper, la coupe garçonne, c’est pas pour toi, faut avoir le physique pour ça, un visage à la Jean Seberg, tu vois, alors chez le coiffeur elle a dit un carré, pas davantage, en maugréant entre ses dents, je t’en foutrais, moi, des gueules à la Jean Seberg, je t’en foutrais, même si je l’aime bien, moi, cette fille-là. Faire l’actrice, faut sourire, le drap gris fait des plis, malgré le coup de fer chaud, moyens du bord, mais quand ça veut pas ça veut pas. Au milieu du couloir, il installe l’appareil, fait des réglages, immortalise l’instant, elle la tête un peu haute, toujours sourire, que ça ne dure pas cent sept ans, une photo une bonne fois, à envoyer à qui de droit pour décrocher de quoi vivre, au petit bonheur la chance, même quand t’as pas les épaules, ni les dents, même quand tu sais pas faire, n’empêche qu’elle avait testé la pose devant le miroir pour vérifier, prête à braver les obstacles, les dangers, combattre les monstres du métier, brûler les planches, exploser les écrans, se donner corps et âme, les grands mots, tu parles, elle aimait bien l’idée, c’était vraiment n’importe quoi. La photo est restée lettre morte. Un dernier exemplaire dort depuis vingt ans dans le grand album blanc en haut de l’étagère. Ni les épaules, ni les dents. Ni Jean Seberg.
elle jouait bien la radieuse pourtant
l’espace d’un instant(ané)
merci Brigitte
J’aime bien l’idée de cette photo solaire qui dort dans des tiroirs.
Ah oui… Merci Marion pour cette image !
(je ne crois pas – d’ailleurs on les voit – et elles sont bien jolies) (après ça fait un penser à la suite de Jean Seberg, quarante ans… – et aussi à ce que disait ce sale type sur les « sans dents » – et on a tendance a penser « tant mieux ») (mais je ne crois pas, non)
(je ne crois pas… et en effet c’est une affaire de croyance, de foi, quelque chose comme ça)
merci Piero