Je suis née.
J’ai soulevé les paupières, ouvert grand les yeux. J’ai vu le flou mouillé des corps chauds courbés sur moi.
J’ai cherché d’une bouche avide. J’ai absorbé, rejeté, englouti, rejeté. J’ai dormi. J’ai grossi, grandi, gramme par gramme, centimètre par centimètre.
J’ai entendu le battement du sein de ma mère. J’ai entendu les gazouillis de voix suraiguës. J’ai entendu des voix graves et profondes. Je n’ai pas entendu les portes claquées ni le clapotement du linge brassé dans la bassine. J’ai entendu des mélodies chevrotantes. Je n’ai rien perçu des voix étouffées.
J’ai roulé, basculé, testé des appuis, éprouvé la force d’une cuisse, la solidité d’un coude, d’un genou. Assise. Dressée. Debout. J’ai marché.
J’ai marché sur des plantes de pieds à la peau tendre et rose comme mes joues. J’ai marché sur des plantes de pieds bombées en coques de bateau. J’ai marché sur des plantes de pieds étales, curieuses de se poser sur le carrelage, parquet, herbe, béton, gravier, sable. Je n’ai pas marché sur les routes des fourmis, sur la cuirasse des scarabées. J’ai marché souple, mouillé, sec, brûlant, lourd, fatigué. J’ai marché sur des plantes de pieds endurcies, talons épais, crevassés. J’ai marché sûr. J’ai marché haut. J’ai marché loin.
Merci Aline! J’adore cette phrase: « J’ai marché souple, mouillé, sec, brûlant, lourd, fatigué. »
Merci Natacha !
Ce « j’ai marché loin » qui clôt ton texte annonce une suite prometteuse.
Je guetterai tes prochains textes… à bientôt !
A bientôt Michèle !
On a des ouvertures de paupières en commun !
Beaucoup aimé la progression des sensations à fleur de plante de pieds!