À cause de la peinture à la craie il ne fallait pas s’appuyer contre le mur, en bas de l’escalier. Plusieurs fois par semaine la même recommandation toujours répétée, à peine ai-je pu tenir debout, le bras tendu au-dessus de moi, la main tout juste assez haut pour s’accrocher à la rampe. Ne t’appuie pas contre le mur ! Et déjà la main maternelle saisit mon poignet, l’autre bras glissé dans mon dos me soulève et me fait voler de l’autre côté du paillasson. Me dépose sur la dalle humide de la cour intérieure de l’immeuble, et tout le corps se plie, les jambes se font pattes d’araignée, le visage à ma hauteur et les sourcils froncés, les yeux graves : Ne t’appuie pas contre le mur ! Tu salis ton manteau ! Ma mère frottait ma manche, la main bien à plat, de haut en bas. Un geste rapide et ferme, de la même espèce que le doigt humecté de salive sur le menton pour effacer une trace de chocolat. On se sent alors cheval bouchonné ou tapis battu un matin de printemps. Pour faire sortir toute la poussière de craie de la laine du manteau, elle tapotait ensuite le tissu, en répétant : Mais quelle idée d’avoir fait un mur pareil ?! L’été prochain, je le repeins. Pendant ce temps, je regardais le mur. Je l’aimais bien : blanc et bleu, un trait jaune soleil entre les deux. Puis ma mère me tournait à la lumière et vérifiait le résultat de son travail. Elle me prenait dans ses bras, m’embrassait et, me hissant sur ses épaules me disait, courant déjà dans le couloir : On est en retard ! Aujourd’hui, on va à l’école en avion ! Et elle descendait la rue en vrombissant, ouvrant ses ailes et les miennes pour mieux voler.