Naître en ville chic, château-clinique, croire être ce qu’on n’est pas, déchanter vite, grandir maison poupée, pierres de meulière, village ruelles, marcher courir, pleurer sourire, faire comme ci, faire comme ça, ce qu’on attend de moi, être sage, rire aux blagues, rentrer ses colères, fêter les anniversaires, porter des sweats colorés, des jeans neige mais pas troués, des pattes d’éph, des sarouels, Clarks, Doc Martens, avoir l’air cool, rester conforme, tranquille dans la case, aller à la montagne, à la mer, chez mémé, se maquiller, croire avoir un corps une voix, passer un costume, monter sur les planches, grossir maigrir, pas trop grandir, avancer ralentir, jamais s’arrêter, aimer, le taire, aimer, se laisser aimer, quitter, se laisser quitter, courir après le bus et sans se retourner, enfanter, enfanter, avoir de grands yeux, un grand nez, une grande bouche et de grands bras, traverser la mer, passer de l’autre côté, rêver, créer, écrire, combler, colmater, recoudre, réparer, mettre du scotch sur les plaies, avoir un piano noir, poser les mains sur le clavier, et puis vouloir : gravir les montagnes, parcourir la scène, crier au micro, briser ma guitare, sauter dans la foule, le cuir sur la peau, vouloir des manteaux, et des gants, sur le droit piano noir, vouloir des chapeaux, vouloir le revoir, être danseuse, avoir des tutus, des chaussons, des chignons, parler dans les débats autour des grandes tables, être un peu philosophe, historienne ou linguiste, bâtir les immeubles, conduire les avions, vouloir avoir un savoir, vouloir une maison au bord de la mer, et grande et rose, avec des volets verts, et des amis, des vrais, et des bibliothèques, lire tous les livres des bibliothèques, vouloir lui parler, vouloir cesser de vouloir, me contenter de qui je suis, de ce que j’ai, avoir un pré carré, une robe blanche, des taches noires pour mes absences, rousses pour mes silences, avoir un gros œil rond, et regarder passer les trains, les caravanes, les chiens aboient un peu plus loin, et je broute beaucoup, et je meugle parfois, et je rumine aussi – et l’herbe est assez verte.
ou renaître
parfois me vient « n’être », « renaître » convient mieux 🙂
Je suis en train de relire vos textes, j’ai lu vos Hypothèses.
Le texte ci-dessus est très chouette. Très vivant. Vous voulez beaucoup,beaucoup, et vous terminez sur une image qui me taquine, une vache ? accepter finalement ce qu’on est, et comme symbole, une vache ? Ho! non!
Ha ! ha ! Vous m’avez bien fait rire ! Ainsi que la vache qui sommeille en moi 🙂 Merci pour votre lecture !
Un Je comme une rébellion ou un cri, ce choix de l’infinitif tout au long du texte… le château-clinique explique sans doute la princesse… Je qui n’apparaît qu’en toute fin comme s’il existait enfin…