Regards lucides au travers de la fenêtre sur la ville maritime oui c’est beau non ce n’est pas beau la mer l’horizon sont beaux pas la rue le quai aux bateaux pour les îles parois blanches perforées de hublots et cheminées cracheuses de fumées noires toxiques barques de survie accrochées en attente de drames chapelets de voitures scarabées qui s’engouffrent dans l’antre cannibale de la bête ou en sens contraire en réchappent elle ferme les yeux et attend l’instant où ils seront partis alors elle prend son élan et plonge dans l’espace bleu brûlant qui est devant elle se débarrasse de pelures de peaux asphyxiées elle erre dans ses espaces de vie et de mémoire traverse plusieurs fenêtres des points d’appui surgissent chaque fois sans être sollicités telle une pause mémorielle au milieu de ce parcours amnésique une fenêtre de son enfance au bord de l’Étang de Thau déboule en riant sa grand-mère prépare la tartine de beurre et chocolat en poudre accompagnée d’une limonade puis assise près de la fenêtre l’hiver les doigts huileux elle tourne les pages de son livre recouvertes de traces nuages à interpréter yeux levés selon un rythme singulier sur le toit d’en face où elle observe les chats énigmatiques, les oiseaux et les feuilles séchées coincées entre les tuiles le toit a été refait dans l’autre maison du Gard bien plus tard, les petites fenêtres agrandies en une vaste déchirure donnant sur les oliviers et elle vit là l’expérience sorcière de ne plus percevoir l’intérieur-extérieur et de se ressentir comme une membrane sensible aux résonances de part et d’autre qui les transforme en une sorte de musique intérieure un tambour chamanique l’accompagne elle voit aussi cette ville minière du Nord où à peine arrivée elle regarde par la fenêtre entourée d’un rideau à fleurs jaunies une rue sans attraits et accablée avec des pavés luisants de pluie fine un homme sur le vélo en passant lui fait un signe et elle a pu sourire comme elle le fait devant la fenêtre d’une petite rue d’une ville de l’Hérault où elle regarde avec envie les petites tsiganes entrain de danser et qu’elle n’a pas l’autorisation de descendre pour les rejoindre et apprendre ces tourbillons du corps tout près de Paris dans la Vallée aux Loups sans loups le bureau devant la fenêtre qu’elle quitte rarement est son lieu de rêverie face au parc qu’elle domine juste ce qu’il faut d’un second étage l’ombre de Chateaubriand saute de branche en branche et celle de Fautrier qui avait habité à deux pas tel un éternel revenant glisse sous la baie vitrée elle rêve de toutes ces fenêtres réunies par un fil et tournoyant dans le ciel comme un cerf-volant en liberté
Tourbillon entraînant, intriguant et quelle belle chute avec Fautrier !
Merci beaucoup de votre appréciation;
Et oui Fautrier et son bel revenant nous envôutent.
Fenêtre : membrane sensible entre intérieur et extérieur, et on le ressent… quelques espaces partagés entre Hérault et Gard, la membrure des oliviers…