PATIO
C’est une fuite en contrebas des tuiles comme une plongée blonde vers un sol invisible mais l’œil arrêté à l’horizontale se fiche dans le mur happé par la niche aux fougères pleureuses ; impossible de ne pas s’élever vers le rectangle bleu où se chamaillent des oiseaux de passage, et c’est pour retomber d’étage en étage sur la ligne de tuiles comme des vagues, une houle orangée qui ramènerait ici le regard.
CAGE
Toujours on l’imagine d’en haut quelqu’un se penche appelle crie peut-être tombe dans le vide par maladresse ou par désespoir qu’importe mais vue d’en bas la cage d’escalier vous invite vous oblige vous aspire et c’est la grimpette essoufflée la main à peine posée sur la rambarde de bois lisse arrêtée à chaque étage par les sphères qui marquent la montée et l’on finit par pousser des épaules les murs pour que cesse l’oppression d’une ascension interminable.
PLACE AUX HERBES
Les notes s’élèvent jusqu’au premier étage de l’immeuble de la place, ancre hebdomadaire d’un groupe de musiciens, guitares d’abord, violoncelle et enfin la voix projetée d’une façade à l’autre, d’une vitrine à l’autre, et le rythme s’installe, il embarque avec lui les mains des spectateurs et la foule tourne danse piétine s’arrête applaudit tandis que le tourbillon des chants et des bruits se cogne aux platanes immobiles.
PLACE AUX HERBES (la nuit, l’été)
Un air frais louvoie sur la place, balance les feuilles de platanes et d’oliviers qui chuintent en sourdine, s’engouffre à travers les quelques fenêtres ouvertes des petits immeubles à trois étages, emporte les voix d’un couple assis sur un banc de pierre, éclairé par un réverbère jaune planté près d’une façade, il tourbillonne un peu et s’enfuit par le haut, vers le ciel noir comme un aplat à l’encre de Chine.
CRANE
S’il protège des coups, rien ne se devine de la tempête intérieure des maux de tête, du supplice des grincements assourdissants, des pensées cotonneuses cherchant à s’évader sinueusement de cette boîte endolorie que la voix importune ; enfer, enfermement, on voudrait que le cerveau qu’il protège s’évade dans les pieds pour le fouler le malaxer l’assujettir…
et voilà que je ne me tiens pas ma promesse de ne lire aucun aquarium avant d’avoir eu le temps d’essayer (et d’ailleurs de lire vraiment tous ou presque) et ma foi aurais-je dû ? me décourage
Brigitte, encore une chose en commun… les promesses (de ce genre !) non tenues… j’écris, je me désespère et puis je lis, et me désespère encore, et puis… j’écris ! C’est bien la première fois que je fonctionne ainsi… Avant, jamais rien lu… mais là, tous ces textes me galvanisent (et tant pis si ce n’est pas à la hauteur de ce que je lis !). Donc je vous attends…
comme j’aime cette cage d’escalier, cette place et cette boite crânienne…
Catherine ! Je vous invite sur la place à défaut d’autre chose !
J’ai aussi eu un grand plaisir à lire cet aquarium crânien.
Ah ! l’aquarium crânien fait référence à du vécu !!! Mais comme mes mots sont pauvres… Il faut lire Anatomie 3D de Philippe Liotard, ici
http://www.tierslivre.net/ateliers/anatomies-3d/
Et bien merci. Beau et léger votre texte. A part le défenestré et le crâne, mais c’est réaliste.
😀 je ne sais pas si c’est réaliste, à vrai dire, j’écris au fil des images qui se présentent !
Mon préféré est le patio ! On voudrait pouvoir y rester à se promener de fenêtre en carré bleu jusqu’au vertige.
merci Ana !