La mer semblait se balancer doucement. Elle semblait seulement. Il y avait comme un faux calme sous la surface à peine frémissante. Comme un murmure violent. Sous ce miroir balançant on devinait les profondeurs et les mouvements. Une rage secrète, qui attend. Tout ce remous, toute cette agitation, c’était un combat. La mer se débattait. Elle mettait des coups et les rendait. Elle caressait l’horizon et se jouait des illusions. Il y avait dans cette image une violence silencieuse, comme un bouillonnement jubilatoire, une apparente fausse paix, une tempête sournoise. Elle était comme une menace invisible, une menace sous jacente, une menace dormante.
Il y a ce nouveau voisin qui me gâche la vue. Il me barre la route, m’empêche de voir. Le temps ne se distingue plus, les saisons non plus. Le temps autrefois infini a perdu son sens. La mer seule bouge encore. Les falaises autrefois réconfortantes semblent désormais regarder ailleurs. Elles se détournent. Elles ne se donnent plus en spectacle. Avant elles marquaient le temps, l’érosion, l’insondable. Aujourd’hui, elles se confondent en un gouffre abyssale. Il n’y a plus qu’un vide là où autrefois il y avait un décor. Il n’y a plus qu’un songe là où autrefois il y avait tout. Il n’y a plus que tristesse dans l’horizon.
Regarder la mer se balancer comme un métronome. Regarder les vagues, regarder l’horizon. Regarder, regarder encore. Attendre. Attendre un signe, attendre un jour, attendre un temps. Attendre encore et attendre pourtant. Tout est pareil, tout est different. Tout est froid. Tout est vide. La calme est plat comme un silence soudain. Il manque quelque chose, une note dans l’accord, une mesure dans la symphonie, un temps dans la portée. La mer bouge, se balance. Elle est douce, presque nostalgique. Elle sait. Elle se fixe, absolue, imperturbable.