Mentir. Mentir aux autres d’abord. Et d’abord à ceux qui m’ont appris à non-dire, à dissimuler, à taire, à mentir. Mentir à soi ensuite.Mentir et bégayer, bégayer, bégayer. Et entrevoir par nécessité qu’entre mentir et jouer une issue de secours autorisait la survie, de jouer à mentir, de jouer à ne plus être bègue. L’acteur qui tient le rôle du non bègue peut sortir triomphant du bureau de tabac avec les Gauloises qu’il voulait et non avec la marque de blondes infâmes dont le nom était plus facile pour lui à prononcer. Le même peut désormais parler aux filles, murmurer aux oreilles des femmes, animer un débat, tenir meeting, causer dans le poste. Mentir donc et jouer, jouer, jouer. Et fumer, fumer, fumer. L’essentiel étant que quelque chose, sans cesse, sorte de ma bouche. Ne jamais caler le moteur: volutes, paroles, fumées, verbes, compléments, tout est bon tant que le flux, privé ou public, persiste et signe. Murmurer, haranguer, écrire. Unique fin : séduire, séduire, séduire. Tendre aussi, espérer toujours parvenir, vers un but ultime, un impératif: jouer à ne plus mentir ou a minima mentir vrai si cela est possible. Comme ici, maintenant, assurant que si il est hors de question d’aller explorer mes bas-fonds, je sais de bonne source qu’à jouer, jouer, jouer on oublie qu’il fallait d’abord écouter, écouter, écouter, et d’abord entendre, entendre, entendre. Trop tard à présent: les sérieuses pertes auditives s’aggravent du gaucher bègue que je reste.Cette dernière phrase est pure vérité.
OK. D’accord. Compris.
Texte très séduisant.
Beau mentir vrai!
Oh, le drôle ! Gaucher, bègue et menteur, il y en a qui savent ne pas se faire de cadeau ! C’est un beau texte, accrocheur, séducteur.
juste ça : séduire
ce que devons pour survivre
J’aime le parti pris, le courage de cette voix-là !
Merci Béatrice, Brigitte, Danièle, Marie et Pascale. Vos complaisances m’encouragent certes. Mais les gauchers et les bègues ont aussi besoin de critiques sévères et justes. Et les apprentis séducteurs plus encore. Grand merci dans tous les cas.
Écrire : avoir terminé cette lecture dans un grand éclat de rire. Vous dire : mentez pour ce rire. Vous remercier !
ce texte ressemble à une véritable tentative d’introspection