un été matriciel suspendu au quatrième étage d’une résidence bordelaise avec vue sur le parc châtaigniers immenses et velus de feuilles soyeuses — un été matriciel suspendu aux pages de l’éphéméride tournées de force presque arrachées à la torpeur du temps qui ne bougeait pas d’une ligne — un été de classiques Vaubourdolle suspendu aux pages jaunies cornées du temps de mes parents dont les doigts s’étaient peut-être d’abord frôlés au-dessus des médaillons des portraits sépia de la fine fleur de la littérature française – un été suspendu au coeur de Phèdre de Thérèse Desqueyroux d’Ah Meï de Nelly Sanderson de Lafacadio de Pyrrhus de Pivoine de Jaques Thibault de Lorenzaccio de Camille de Fadette de la lune accrochée au clocher qui ne sonnait plus que toutes les deux heures – quand je montais sur une chaise pour accéder au rayon supérieur du grand placard qui courait tout le couloir — il suffisait d’y plonger la main à l’aveugle pratiquement pour en ramener un livre — puis le temps suspendu pour l’éternité — jusqu’à aujourd’hui — et ce roman ce jour-là la silhouette fluette sur la première de couverture l’odeur jaune de l’acide du papier et ce personnage qui entrait dans mon coeur comme un camée, comme un viatique, comme un tatouage d’encre invisible – cette histoire de dévouement insensé qui s’agrippait à moi — varappe des mots encordés autour des noeuds de ma langue et qui ne comptaient plus que pour les portes qu’ils entrouvraient à toute volée — comme les placards du couloir où j’ai rangé le livre après lecture le replongeant dans l’obscurité tout en étant rassurée de connaître sa présence sans trop en démêler les raisons mais cela ne comptait pas — il avait traversé ma vie niché dans l’intermonde de soi que l’on caresse de temps en temps comme le dos d’un chat le soir — un été matriciel
Beau début !
Le passage des livres noms à celui mystérieux renforce encore son importance.
Belle suite !
Merci Catherine pour votre lecture lecture, et pour cet encouragement 🙂
« il avait traversé ma vie niché dans l’intermonde de soi que l’on caresse de temps en temps comme le dos d’un chat le soir », merci.
Merci Laurent, oui c’est ça la question, où ça se niche ?
Dans l’été et les autres lectures, soudain votre texte se tend : il s’est passé quelque chose quand vous avez pris en main ce roman.
Oui, merci Laure, grâce à votre commentaire je comprends que je ne l’ai jamais lâché, ce livre !
la main qui cherche en haut du placard étant partagée, ke reste avec e désir vague du livre et de la curiosité sans espoir de savoir ce qu’en aurais reçu
A partir de « et ce roman » ! quelle écriture ! on s’y accroche comme vous à ce livre. Et on savoure chaque mot. Tout particulièrement : « varappe des mots encordés autour des noeuds de ma langue et qui ne comptaient plus que pour les portes qu’ils entrouvraient à toute volée » et puis « il avait traversé ma vie niché dans l’intermonde de soi que l’on caresse de temps en temps comme le dos d’un chat le soir ». C’est juste et beau. « Matriciel ». On le ressent complètement. Oui ! Viscéral. Bravo pour ce texte ! Et merci.