…suite de bovins malades tués dans un abattoir polonais … C’est une rue grise car il pleut. Un très petit morceau du neuvième arrondissement (celui qui est loin de tout mais dont la chaleur humaine éclipse l’anonymat tape-à-l’œil des beaux quartiers, c’est du moins ce qu’assurent ceux du coin quand ils veulent en faire publicité ) – on dit, … Humm la tartiflette de… comme partout : « le neuvième » – le dernier de la ville qui ne compte pas jusqu’à 10 et joue à être la deuxième … à t’écouter j’en ai l’eau à la bouche … ou troisième après Paris, c’est selon. C’est tout à fait indépendant du nombre d’arrondissements qui ne s’enroulent pas obligatoirement façon coquille d’escargot : ici on les dirait plutôt balancés aux recoins du hasard, comme une poignée de dés dispersés sur un plateau de jeu au feutre vert. … sa crème son fromage fondant… Donc c’est une rue de fin d’automne ou bien quand tu commandes une tartiflette on peut t’offrir une boisson d’hiver, une rue de grande ville, ici sale et grise car il pleut de plus en plus gros. … et même gagner un séjour en famille… À droite un arbre, un de ces arbres sentinelle désolée, piégée dans son cerceau de fer. Il gribouille les façades de son écheveau de branches noires et maigres, désolé de toute feuille ; c’est un arbre érigé solitaire et noir dans la rue de la ville d’hiver … jeu et détail de l’offre sur… ou bien de fin d’automne – en tout cas c’est une vraie matinée de saison morne, s’ébrouant lentement entre ses derniers chiffons de nuit. L’arbre noir pour votre santé bougez plus tordu et tendu vers le gris crachin du ciel tague le jaune sale des murs. Il vrille et tire ses branches décharnées comme des sarments calcinés, derrière lui la ville se fendille … huit heures et demie… craquelés de fentes et fissures les toits de tuiles rouge-sombre des immeubles, les fenêtres à lambrequin, les cheminées en lego de briques tandis qu’à gauche, intacte, une grande façade d’un beige empoussiéré d’échappements se dresse, trouée de quatre rangées superposées de grandes baies vitrées, striées de traits verticaux gris comme le ciel en tranches … ffaire Alexandre Benalla … de pluie. Un grand panneau … revendique le soutien d’Emmanuel Macron… pendu comme un fruit hors saison, au bout d’une branche de l’arbre noir. Il affiche la raison sociale de l’édifice mais depuis mon angle de vue demeure illisible. Dessous je vois le toit blanc et luisant d’une voiture et son antenne, plus loin un feu rouge … qu’il nomme le patron… comme l’œil brûlant d’une cigarette, le brasillement d’une enseigne solitaire et en face l’écho d’un duo de lampadaires. Tout derrière, en surplomb, le pochoir lointain et terne d’une barre d’immeuble sans audace. Enfin tout près un parapluie bleu foncé progresse aveuglément dans ma direction, en ballotage nerveux et léger au ras des toits des véhicules stationnés, comme un bouchon rétif et obstiné au fil de l’eau. Maintenant la triste rue grise, fragment du neuvième dans la ville deuxième ou troisième, fin d’automne ou peut-être hiver, se floute sous la flotte, grossit, se déforme en glue lente de flocons-loupe sous l’épais molleton du pare-brise gorgé de crachats lourds. … de la prison ferme pour les poli….
belle vision, j’aime la pluie et les saisons, et le flou
merci oui c’est pas mal la pluie aussi !
Quel texte magnifique où viennent rôder la lecture d’un journal ( si je vous ai bien compris). Epoustouflant
presque … c’est les irruptions de la radio dans l’habitacle – derrière le pare brise !
ah ben oui c’est beaucoup plus ça, la radio mais bien sûr, je voyais quelqu’un derrière la vitre d’un café feuilletant un canard… on a l’imaginaire qu’on peut mais qu’importe ! j’adore ce texte quelle belle ouverture de je ne sais pas encore quoi… Visiterai la suite
bienvenue !
habile et prenant !
merci Danièle tes rencontres de hasard sont très sympas aussi ! ça m’aurait plus de taper la discute sur une chaise avec l’ex rugbyman !
et la progression nerveuse du parapluie bleu
les parapluies font souvent ça !
J’aime les atmosphères crades ( David Peace, Antoine Chainas… ) : c’est même pas que ça va mal finir, c’est que ça commence dans la boue jusqu’au genou. Lirais volontiers une suite.
ah oui ! pourquoi pas ? tant à lier et construire !