#mardis #01 | Protocole du désordre

L’ordre aléatoire. L’accumulation et les connexions imprévues. Les chambres les plus désordonnées où j’ai dormi, où celles que j’ai le plus mis en désordre, là où les livres s’accumulent au bord du lit et débordent du panier et tombent du petit tabouret, que je ne sais plus lequel je suis en train de lire comme dans ma chambre actuelle, mais ici la mémoire est vive. Alors le désordre des souvenirs, là où la mémoire remonte toute seule, sans plan, sans direction. Fixer en se réveillant la bibliothèque bleu, où est-elle maintenant cette bibliothèque bleu mer qui était dans notre chambre d’enfant, repère d’une ville à l’autre ? Et là, sur ses étagères, en bas à droite, voir des revues étrangères à nos livres d’enfants, des revues d’adultes, invitation au voyage dans une terre inconnue, les ouvrir le jour pour en faire des avions et les cris après, oui les cris. Ou alors fixer ces dessins aux mur, l’été, de Giò Pomodoro avec des quadrillages où alors des dessins avec dei pomodori rossi, des tomates rouges qui se suivent comme dans une bande dessinée et rester là dans ce nom et ces dessins à la recherche d’une lien, cet homme tomate qui dessine des tomates,  rester là dans le lit, hypnotisée et rentrer dans le sommeil avec cette odeur d’humide  et les dessins d’une année à l’autre de plus en plus imprégnés d’humidité.

Où alors les chambres de la douleur, les nuits de la tragédie, quand on s’endort à peine et on se réveille tout le temps, en pensant qu’il faut encore attendre quelques heures et après communiquer dans le silence, et cette chambre si chère là où nous dormons de génération en génération, cette chambre devient dure, devient torture, et ces nuits éveillée à côté de toi dans un hôpital de Milan et tu es prise dans l’euphorie de l’oxygène et moi je m’écroule de sommeil et de tout le reste, ne supportant pas tout ce vaste que tu traverses, je m’éloigne en sortant dans le couloir rose pastel en plastique pour passer un coup de fil et donner des nouvelles, rassurer sur l’inassurable, en donnant les détails, ton sourire, ta découverte de la légèreté de l’oxygène alors que la ville après retombe sur ma nuit dans toute sa pollution, je pourrais poursuivre avec les nuits les plus bruyantes, celle à Sienne, en dessus de la boulangerie et tout ce bruit des fours et du travail et nous qui devions nous réveiller tôt pour chercher l’aube dans une abbazia scoperchiata, senza tetto, San Galgano à 18 ans, un jour d’école où nous n’étions pas en classe et avons laissé cette chambre d’hôtel sordide et les escalier et conduit dans la nuit et le boulanger était encore en train de travailler, cela c’est une nuit de joie et de là toutes les autres nuits de joie, quand le sourire s’empare de tes lèvres et que les souvenirs prennent possessions de ta tête et tu fixes les détails, les nuit de lectures, dans la chambre à Noto, avec Murakami, un protocole pour retrouver les chambres où j’ai dormi pourrait être celui du désordre, mon protocole, mon désordre.

A propos de Anna Proto Pisani

Passionnée par la création et l’écriture, j'ai publié des textes et des articles sur différentes revues et les ouvrages collectifs sur la littérature postcoloniale Les littératures de la Corne de l’Afrique, Karthala, 2016 et Paroles d’écrivains, L’Harmattan, 2014. J'ai créé et fait partie du collectif des traductrices de Princesa, le livre de Fernanda Farìas de Albuquerque et Maurizio Iannelli (Héliotropismes, 2021). Je vis tous les jours sur la frontière entre la langue italienne et la langue française, un espace qui est devenu aussi ma langue d’écriture.

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