Maram al-Masri, Elle va nue, la liberté, poèmes d’amour, de révolte, de douleur, poèmes-hommage aux victimes de la guerre en Syrie, appel à la liberté.
Sur le mur d’une école
le mot liberté a été écrit avec de la craie blanche
par les petites mains des écoliers.
Sur le mur de l’Histoire
la liberté a écrit leurs noms
avec du sang.
En savoir plus sur cette guerre ( à travers des articles du Monde, de l’Express, ce Courrier international)
La Syrie est dévastée par la guerre. Déclenché en 2011 par la répression meurtrière de manifestations pro-démocratie pacifiques, ce conflit s’est transformé au fil des ans en une guerre complexe impliquant factions rebelles, groupes djihadistes et puissances étrangères. La guerre a dévasté le pays et fait plus de 388 000 morts, dont plus de 116 000 civils, selon un bilan publié en 2020 par l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Le régime de Bachar al-Assad contrôle aujourd’hui plus de 70 % d’un territoire morcelé, grâce à l’appui militaire de ses alliés indéfectibles : la Russie, l’Iran, ou encore le Hezbollah libanais. Les forces du pouvoir en place ont repris les attaques sur Deraa, ville rebelle du sud du pays marquée par des années de guerre. Environ 24 000 des quelques 55 000 habitants de « Deraa al-Balad » ont fui vers d’autres quartiers de la ville ou ses environs, tandis que l’hôpital de la ville a été bombardé à quatre reprises.
En mars 2011, c’est à Deraa, qu’une dizaine d’enfants avaient été torturés pour avoir dessiné une fresque anti-Assad sur le mur de leur école. L’épisode avait été l’un des moments fondateurs de la révolution syrienne.
Et pourtant le 27 mai 2021, Bachar al-Assad a été réélu sans surprise avec 95,1% des voix. Au pouvoir depuis plus de vingt ans en Syrie, il a été reconduit à son poste de président pour sept ans. Cette présidentielle, une farce électorale. Une mascarade. La Syrie est une dictature depuis 51 ans précisément.
Depuis plusieurs mois, l’économie est en chute libre, avec une dépréciation historique de la monnaie. Plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU. Le pays est dans une impasse totale, et personne ne semble vouloir intervenir.
Chaque jour, de nouveaux bains de sang. Des crimes de guerres ont lieu régulièrement avec des bombardements sur des positions civiles, comme des hôpitaux, des marchés, des mariages, des obsèques.
Citoyens et médias sont entre lassitude, désintérêt et impuissance. Après huit ans de guerre, « il y a aussi une lassitude », écrit Marie Peltier. Hormis quelques titres de presse axés sur l’international (comme France 24, La Croix ou RFI), la situation à Idleb n’est pas tellement couverte par la presse française alors que cette région pourrait être le futur épicentre de l’implosion à venir. Pour Jean-Marc Lafon, « à un moment donné, ce sont des images qu’on ne veut plus voir. C’est trop affreux, trop long. Les gens sont vaccinés ». Une lassitude couplée à un sentiment d’impuissance puisque, déjà lors de la bataille d’Alep, cette mobilisation « n’avait rien donné ».
Les crimes de guerre qui ont marqué le conflit syrien sont perpétués – et les puissances occidentales sont silencieuses, comme si ceux-ci étaient devenus une nouvelle « normalité ».
Va-t-on entendre le message de Fared, un photographe syrien de la province d’Idlib :« Pourquoi le monde a-t-il abandonné ?
Pourquoi son terrible silence ?
Pourquoi nul ne se préoccupe-t-il de nous ?
Pourquoi personne n’est-il solidaire de notre destin ?
Sommes-nous sans valeur ?
Sommes-nous seulement des numéros ?
Qu’arrive-t-il au monde ? »
Pouvons-nous, bien installés dans nos fauteuils, sans nous poser des questions sur notre monde en folie, suivre sur la Grande Librairie, le 12 mars 2020, un extrait d’un film sur la Syrie sous les bombardements. Un père a inventé un jeu pour sa petite fille âgée de 4 ou 5 ans : tous les deux, on écoute, quand la bombe tombe, on va rire, bien fort. Des explosions proches. Dans les bras de son père, l’enfant rit aux éclats. Leurs deux visages joyeux réunis dans la tendresse. ???
J’avais, en septembre 2019, dans la même émission, écouter Delphine Minoui, nous dire l’autre résistance à Bachar el-Assad. Celle de jeunes syriens de Daraya qui ont trouvé sous les bombes d’Assad la force de constituer une bibliothèque clandestine. Abritée dans les sous-sols pour échapper tant que possible aux bombes, elle a été constituée avec les livres abandonnés par les habitants fuyant le siège implacable de la ville, et fut pendant 3 ans un havre de paix et de culture au milieu de la barbarie, à la fois dérisoire et vital.
Le livre de Delphine Minoui Les passeurs de livres de Daraya décrit cette histoire incroyable. Elle écrit : Dans ce sas de liberté qu’ils se sont créé, la lecture est leur nouveau socle. Ils lisent pour sonder le passé occulté. Ils lisent pour s’instruire. Pour éviter la démence. Pour s’évader. Les livres, un exutoire. Une mélodie des mots contre le diktat des bombes. La lecture, ce modeste geste d’humanité qui les rattache à l’espoir fou d’un retour à la paix… et encore : Les livres sont des armes d’instruction massive qui font trembler les tyrans.
Par ma petite-fille j’ai connu Louaï Barakat, photographe et journaliste syrien, réfugié politique en France avec sa famille depuis 2017. Plusieurs fois détenu par le régime syrien, torturé, blessé, il a photographié et documenté les horreurs de la guerre civile à Alep Il a quitté la Syrie après avoir vécu la guerre, l’occupation de sa ville par Daech, le siège d’Alep, ses privations et ses bombardements meurtriers. Il témoigne avec ses clichés de cette folie humaine qui a mis à terre Alep, la capitale économique du pays comptant près de 3 millions d’habitants. La faim, les ruines, la mort à chaque coin de rue à cause des snipers, la loi islamique, les prisons, les bombardements, le sang et les larmes qui coulent pour tous hommes, combattants ou non, femmes et enfants. C’est après un bombardement au chlore qui a blessé son fils que Louai a pris la décision de quitter Alep et de risquer sa vie et celle des siens dans la clandestinité. Dans ses maigres bagages, son appareil photo et un disque dur avec des centaines de clichés et des films de ce que fut la vie quotidienne ces dernières années à Alep.
Merci à Maram al-Masri qui m’a donné à lire l’horreur et m’a incitée à en parler.