Imagine-toi l’avenir comme une jatte de lait avec du sucre et de la cannelle.
La langue rebondit claque fait quelques petits pas ne virevolte pas – quelque chose très près du corps là entre amygdale et palais non pas très près du corps mais dans le corps dans la bouche quelque chose se jette et se projette dans et par la langue. Quelque chose de très matériel aussi : le rebond de la langue de toute sa texture et sa tessiture s’étire – puis se racrapote au contact de l’os.
Pulsion jaculatoire du j – projection aussitôt tue : t te barre la route d tape tremplin – et te fait virer de bord. Glissade éclaboussures dans la liquidité à peine crémeuse – peut-être écumeuse – du lait. Oubli de liaison : l’ailé allant de langue. Gravier âcre du sucre craquant sous – et court-circuite :
soudain la matière devient sensation.
Sensation de : morcellement / fragment / poudroiement. Difficile de dire autre que : sucré. Elémentaire du vocable : sucre et – son cortège obsessionnel. Du sucre et de la cannelle. Ce n’est pas l’explosion de saveur tant vantée par la réclame universelle – non. Ce n’est pas l’inondation qui monte avec frisson – de bonheur bien sûr les frissons. A peine le petit goût qui se tapit dessous.
Ce miracle de la langue – très matérielle la langue : dans toute sa texture et sa tessiture – c’est ce miracle de la langue précisément qui de son élasticité – très matérielle – bondit au milieu du corporel tambourine tapote – et creusant : nous rappelle à nos muqueuses. Doublure du visage que seul le haschisch aurait pu découvrir. Doublure où chaque jour se blottissent les dents avec indifférence : le confort comme évidence – et l’oubli.
Ce jour de juin pourtant où les molaires se posent pressent délicatement se rétractent se re-posent sans effort pressent avec engouement – mais non calmons-nous reprenons nos esprits : tâte le terrain point de précipitations tâte le terrain. / Mais la joie trop grande : jamais senti d’aussi près qu’un corps humain se mâchonne. Qu’un corps humain ça se triture. Qu’un corps humain est poreux de par le filet qu’il déploie et le plie qu’il insuffle. Qu’un corps humain – enfin – est une vasque où boire et coasser. Non pas un système automatique – mais un repli sur soi fait de sacs de sève de sucs. Une immense gomme à mâcher – et nous avons le temps : peut-être des décennies des siècles / enfin toute la vie pour la mastiquer la retourner – et creuser. Comme un gant à l’envers dont on ne sait plus le sens. Comme une matière aussitôt dépliée-déployée dans ses infinies possibilités de sensations. Les muqueuses tapissant tout – les muqueuses texture et tessiture. Reflux de la langue sur elle-même à boire sa propre écume à se lover dans ses propres replis.
J’aime beaucoup la plongée dans l’expérience sensible, cette visite buccale que tu rends si étonnamment charmante. Assez fantasmagorique aussi, ça ressemble à de l’écriture sous mescaline (ou hasch) !