Manger tous les jours, le matin, le midi, le soir. Petite il y avait aussi le quatre-heures, une habitude que j’ai perdue. Manger plutôt assise devant une table, les jambes décroisées, les deux pieds stables sur le sol. Si la table est haute, comme un comptoir, les deux pieds posés sur la barre du tabouret. Manger dans une assiette plate ou creuse avec une fourchette et un couteau parfois avec une cuillère. Cela m’arrive de manger dans un bol avec des baguettes en revanche rarement dans le plat avec les doigts. Manger la majeure partie du temps chez moi, mais aussi à la cantine, au restaurant et c’est la fête quand je suis invitée chez des gens. Manger seule le matin, seule le midi, le soir en famille ou entre ami.e.s. Manger avant que l’estomac ne gargouille, avant que la tête ne tourne, avant que la fatigue ne gagne, avant que ma mauvaise humeur n’explose. Manger par habitude, par envie, par instinct, par plaisir. Manger tous les jours: le matin au réveil, le midi entre 13h et 15h, le soir entre 20h et 22h. Manger pour rester en bonne santé, profiter de ma condition de terrienne, me développer, avancer, aimer. Pourtant mon corps vieillit, la vie m’échappe, la mort se pointe. J’ai peur.
Manger, becqueter, boustifailler, tortorer, déguster, gobichonner. M’empiffrer, m’alimenter, me sustenter, me restaurer, me régaler. Goûter, savourer, jouir.
Finir mangée.
J’ai peur. J’ai peur.
… suis rentrée de plein pied dans ce défilement d’un quotidien alimentaire paisible ; ça bascule doucement au « manger seule » pour finir par ce « finir mangée » d’une autre dimension – eh oui, bien sûr, même là, rien n’est vraiment linéaire, un défilement d’un autre type menacé ! Merci pour ces méandres.