M’allonger.

 « Me reposer », il avait dit, quand je lui avais demandé ce qu’il allait faire cet après midi. Même il avait dû dire : m’allonger. En fait oui, c’est vraiment ça qu’il avait dit, quand je lui avais demandé ce qu’il allait faire l’après midi: m’allonger. Moi je ne sais pas, sans doute que j’allais aller marcher, mais peut-etre qu’il ne m’avait pas retourné la question. Et qu’alors la conversation avait dû se terminer à peu près comme ça. Je savais qu’il allait s’allonger. Il savait, ou d’ailleurs s’en fichait bien, que j’allais marcher. La chambre était petite, avec un bureau rempli, un frigo vide, le lit et le plafond. Une chambre-pièce, avec tout dedans pour vivre. Il avait quitté un pays entier parce que la bas tout le monde parle tout le temps. Y a toujours du bruit. Y’a jamais du calme. Ils parlent tout le temps. Et comme si maintenant il fallait seulement se reposer, s’allonger et dormir, en même temps profiter et accumuler du calme. Comme coucher une éternité sur de l’éternité. Je veux dire comme s’il était arrivé sur terre aussi pour ça: pour se reposer. Et moi je ne sais pas du tout vivre, je suis une époque, et lui son projet terrestre c’est de s’allonger.

A propos de Milène

Milène Tournier est une auteure de théâtre, poésie et formes numériques. ( L’autre jour, ed. Lurlure; Poèmes d’époque, préfacé par François Bon, ed. Polder; Nuits, ed. La p’tite Hélène; Et puis le roulis, Ed. Théâtrales). Elle a écrit une thèse d’études théâtrales « Figures de l’impudeur ». Elle partage ses vidéos poèmes sur Youtube et écrit « en direct » sur Facebook.