#LVME#05/ Street-art

Des hommes portant des valises, une femme avec un baluchon, des enfants pris dans le sommeil et dans l’attente, succession sur la façade de ces histoires à coucher dehors, papiers collés dans des nuances de gris, silhouettes du quotidien qui peuvent rappeler celles de Bansky, une oeuvre déjà ancienne commandée par l’hôtel sur la façade duquel patientent les voyageurs.

Un peu plus loin, le frigo solidaire est niché dans de la gueule béante d’un animal fantastique aux dents qui rappellent celles d’un morse, d’un phoque, aux yeux jaune et rouges qui observent les passants. La bouche de l’animal est si largement ouverte qu’on peut apercevoir enfilades d’ouverture, des passages, de tunnels, qui appellent à traverser, à passer le cap, à sauter de l’autre côté, à se laisser glisser dans les tiédeurs d’un corps qui nous avaleraient tout cru. Comme des poupées gigognes, les bouches laissent la place à d’autres monstres, d’autres animaux tout aussi affamés.

L’éléphant Shiva aux lunettes fumées, aux jambes et aux bras démultipliés, écoute d’une oreille une musique entrainante sur son ghettoblaster tout en graffant d’une autre main le mur gris de son immeuble. Aimerait bien que les trois poubelles renversées à ses pieds soient évacuées, histoire d’avoir un peu plus d’espace pour ses libations du matin.

Rouge. Jaune. Et du bleu. Comme un lever de soleil. C’est dans ce dégradé que se tient les mots en capitales FREEDOM. C’est devant eux et devant les barbelés qui la sépare de cet horizon que la petite fille s’agenouille au premier plan de la fresque, des larmes dans les yeux.

Monsieur Chat. Jaune, rond et rieur. Il prend la pose devant les toits de la ville. Un sourire énigmatique qui se faufile partout, de murs en murs, de pays en pays. Monsieur Chat a bien failli disparaître de cette petite épicerie qui fait l’angle, après le pont qui rejoint la grande-île. Il s’est d’abord fait effacer par des voisins soucieux de propreté. Mais c’était sans compter la gérante de l’épicerie qui l’a retrouvé et à qui il a désormais donné son nom.

Au numéro 5, une jungle, des feuilles délicates et des oiseaux de paradis qui semblent s’envoler des buissons à notre passage, des paresseux qui surveillent la scène, surplombent la porte d’entrée et laissent passer au compte- gouttes les visiteurs.

Vache déguisée en ballon de football, quartiers de bouchers, vache paysages, vaches rastafari, vaches monumentales, vaches des ranchs immenses d’Arizona, vache coffee-shop, vache labyrinthe, une vache pour chaque jour, vache-laiterie, vache des mauvais jours, vache squelette, vache monde.

Sur la boîte aux lettres, 26000 ronds parfaits dont la taille varie d’un demi-millimètre à une demi-centimètre pour faire apparaître le Dark Lion.

Les deux mains d’un enfant qui ajuste ses doigts, prépare son tir, et l’on entend déjà les agates rouler, tinter entre elles, on devine leurs chatoiement qui font les jalousies des cours de récrés, les parties endiablées et les échanges, et quand on y met l’oeil, on voit le ciel, on voit le monde.

A propos de Céline Bernard

Céline Bernard écrit principalement pour le théâtre, et assez souvent pour les adolescents. Elle a publié aux éditions Théâtrales jeunesse Anissa/ Fragments (février 2019), Demain et Les moineaux, paru au sein de l'ouvrage collectif Divers-Cités (octobre 2016), et une nouvelle, J'ai payé pour ça, au sein d'un recueil collectif aux éditions La Passe du Vent (2009).

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