12h00 heure marocaine. Derrière le moucharabieh, elle veille. Elle tend l’oreille. Elle a secoué les tapis, laver les rideaux, fait le lit, tendu la moustiquaire. Elle a peur et elle attend. Assise sur son lit les genoux repliés entre les bras, toute recroquevillée. Si ça continue elle va fondre. Il fait chaud, très chaud, elle a besoin de se rafraîchir.
12h00 heure marocaine. Elle décide de monter sur la terrasse. Sa bassine l’attend. Elle est brulante de la journée. Même si elle la remplit, elle ne pourra jamais se rafraichir. L’eau sera tiède. Non, il faut se mettre à l’ombre, redescendre les escaliers en colimaçon et traverser les cuisines , le four communal, les salles de réception. Elle arrive essoufflée dans sa chambre et remonte sur son lit en position initiale juste en face du moucharabieh. Il laisse passer un léger courant d’air. Elle attend, inquiète. Le soleil aura fait son œuvre, il sera trop exténué pour monter jusqu’au premier. Il s’arrêtera avec les autres au rez-de-chaussée pour boire de l’alcool de figue, affalé dans le salon marocain du patio, juste à côté de la fontaine. Il ne bougera jamais de là… enfin, elle espère…
12h00 heure marocaine. Comme prévu, il s’est arrêté dans le salon marocain à ciel ouvert. Les arbres de la cour lui ont fait de l’ombre. Il fait la sieste , bouche ouverte. Il ronfle. Il prend des forces. Elle peut finir son sac. C’est une grosse besace en cuir très souple, depuis plusieurs semaines elle attend ce moment. Personne ne sait ce qu’elle prépare, elle a caché son sac sous le lit et personne ne rentre dans la chambre . Elle y voit enfin un avantage. Il a posé son verre sur une tablette octogonale en stuc multicolore. Le verre est vide et la bouteille juste à côté aussi. Très bien.
12h00 heure marocaine. Elle devra faire un arrêt chez sa sœur. Elle habite, le même étage, juste l’appartement d’à côté. Heureusement c’est calme. C’est la sieste pour ses enfants .Ils dorment tous les uns à côtés des autres, emmaillotés dans leur linge comme du bon pain. Elle a 25 ans , elle a déjà six enfants. Elle chuchotera à travers le moucharabieh. Il est temps, sa soeur devra partir, elle viendra lui dire au revoir. Elle lui dira de partir loin, elle a raison, elle en serait incapable. La petite dernière toussera, sa mère la rassurera d ‘une caresse, elle se rendormira. Elle lui demandera si son sac n’est pas trop lourd, pour courir, c’est pas facile. La fugitive lui répondra , qu’elle s’est préparée à tout. Courir ne lui fait pas peur. Sa sœur lui demandera à voix basse, une dernière fois, de vérifier si elle est sûre, d’avoir pris son argent et son passeport. L’autre lui répondra que tout est en ordre. Elles s’embrasseront une dernière fois…
12 heure marocaine. Une odeur de soupe, de coriandre de menthe envahit le patio, on s’affaire. Les unes épluchent, les autres tordent le cou aux poulets, les déplument et les passent à la flamme. Les femmes de corvée font la vaisselle dans l’eau huileuse. Les timbales reluisent de saleté et de gras. Les chats du quartier attendent, museaux levés, que les poubelles, pleines d’os et d’épluchures, soient à leur portée. Les femmes les chassent régulièrement à coup de ballet et de vociférations. Rien n’y fait , ils reviennent toujours…
16h24 heure française l Dehors il gèle la chaleur du texte et l’odeur de menthe et de coriandre m’enveloppent … un beau chemin ouvert ; à suivre donc jusqu’à cuisson complète de nos « poulets »
lui souhaite bonne chance
Merci, Nathalie et Brigitte, moi aussi je me souhaite bonne chance pour tenir le fil de l ‘histoire! On verra bien où tout ça nous mènera, cet hiver…