#LVME #02 | un bonjour de Quimper

L’homme vient de glisser le courrier dans la fente en aluminium argenté de la boîte aux lettre n°133, une carte postale et une lettre sous enveloppe qu’il avait en main dès son entrée dans l’immeuble. Il commence toujours par cette boîte aux lettres, il ne sait pas pourquoi. Les courriers adressé aux autres occupants de l’immeuble ont été classés par ordre croissant, il doit donc faire une légère marche arrière pour reprendre sa distribution, aujourd’hui le 11, le 17, puis le 34, le 88…

Les 112 boîtes aux lettres ont probablement été réparties en deux volets, correspondant aux deux ailes, gauche et droite, du bâtiment, -appelons-les A et B- peut-être elles-mêmes scindées entre les logements situés à l’avant et à l’arrière. Le numéro 133 correspond à l’appartement 3 du 13 ème étage qui se trouve sur le coin arrière gauche. La numérotation a donc été établie dans le sens horlogique en commençant par le logement au centre à l’avant de la partie de gauche, suivi en numéro 2 par l’appartement du coin avant gauche, les numéros 3,4,5 et 6 correspondant à tous les appartements de l’arrière du bâtiment et les 7 et 8 aux deux appartement de l’avant droite. La tournée du facteur commence par l’immeuble juste en face du bureau de poste, c’est la résidence Bergerie. Il n’a qu’à traverser la place, sa lourde sacoche à l’épaule, retenant d’une main son képi bleu nuit bordé d’un galon doré car le vent forcit à mesure que l’on s’approche de l’immeuble.

Le courrier du133 est toujours adressé à Monsieur et Madame – un bonjour de Quimper dit la carte postale- mais le facteur ne les a jamais vus ensemble. Elle, il l’a aperçue au bureau de poste. Il ne sait pas précisément pourquoi il l’a remarquée, quelque chose dans sa manière de se tenir -droite et la tête haute-, son regard perçant souvent pensif, son pas toujours pressé? Le mardi 5 mars – en réalité le 4 mars mais cette date n’a pas été corrigée- elle avait acheté un timbre -3 frs- et tendu l’enveloppe affranchie au préposé. Elle était repartie seule, traversant la place de son pas vif. Le vent l’avait poussée doucement vers la porte de l’immeuble qui l’avait absorbée.

A propos de Anne Vanweddingen

Formée au journalisme, travaille dans une société d'auteurs et d'autrices depuis longtemps, j'écris depuis toujours. Dans des cahiers à plumes, dans les marges, sur des papiers volants. Je cours, j'écris, je travaille. Je cours sur les bords du trou noir comme sur les rives d'un vieux volcan. J'écris mes aventures au centre de la terre.

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