#LVME #13 La blogueuse

La blogueuse

Noémie Lwoff , la blogueuse, serait leur chroniqueuse, le garde-mémoire de leurs histoires, de leurs modes, de leurs travers, de leurs dérives à travers son blog. Elle aimait cette réalité née avec la Révolution française d’un collectif humain qui s’administrait et qui s’appelait une commune. Cette échelle lui convenait, suffisante pour repérer une certaine diversité, pas trop étendue pour rester accessible. Elle écrirait l’anatomie de cette commune, la vie des gens qui y vivaient ou ne faisaient qu’y passer à un moment de leur vie. Ambition limitée certes et qui ne contiendrait que le réel d’une commune bourgeoise de l’Ouest lyonnais, bien catholique et pas très à gauche, mais encore modérée. Balzac lui-même n’avait pas raconté la vie du petit peuple. Noémie aimait la micro observation comme certains aiment le microtourisme. Peut-on parler de ce dont on n’a pas une connaissance un peu intime ?

Elle ne se demandait même pas ce qui l’autorisait à prendre cette posture. Elle peindrait la vie telle qu’elle était à un moment donné de l’histoire au premier quart du 21e siècle pour faire archive, pas plus. Bien sûr, elle aurait un point de vue, une analyse sous-jacente à ces micro-récits. Qui peut le nier ? Qui peut atteindre l’impartialité ?

Elle se reprocherait souvent de ne pouvoir atteindre une complète vue d’ensemble de ce réel. Elle aurait aimé avoir la vision panoptique de l’INSEE et pouvoir croiser ses données anonymes en des analyses véritablement fondées, statistiquement fondées ? Elle se contenterait de mettre à jour les points du réel qui lui semblaient les plus signifiants et qu’à travers eux la représentation de l’ensemble soit le plus fidèle comme le peintre à travers ce qu’il saisit de la surface des choses peut s’il est doué voir l’âme, un peit bout au moins. Était-elle douée, là était peut-être la question ? Avec l’âge, elle avait compris que la ténacité dans le projet pouvait être ausdsi une forme de don, pas donné à tout le monde et qui avait aussi son poids.

Ses mots feraient mouche et parfois même on lui conseillerait d’être plus prudente, plus mesurée. Elle saurait alors qu’elle touchait juste, qu’elle s’approchait du cœur, qu’elle faisait réagir. Quelle importance lui dirait-on que de peindre le réel si ce n’est pour le changer ? Ne devrait-elle pas s’engager plus jusqu’à s’impliquer dans la gestion de la cité ? Les municipales approchaient, les listes se constituaient, il était peut-être temps. Elle saurait bien vite que ce n’était pas sa voie, pas son rôle et s’en voudrait. Elle s’interrogerait, s’en voudrait vraiment, douterait, se traiterait même de lâche dans son for intérieur. Mais le peintre aurait-il des raisons de sortir du tableau pour changer le monde ? Elle resterait une vigie, rien de plus. Un œil qui regarde et met des mots sur ce qu’il voit.

Elle écrirait à chaud, au fil des sollicitations du monde, comme un correspondant de la PQR ou plutôt comme un éditorialiste d’une petite feuille locale. Il y aurait une dimension morale ou politique à ce qu’elle écrirait. Pour la blogueuse, la morale et la politique avaient beaucoup de points communs, au sens où la politique devrait poursuivre quelque chose qui pourrait s’appeler intérêt général, ou conditions minimales pour vivre ensemble. Elle aurait des colères, des dégouts, des convictions. Et se les autoriserait. De l’empathie aussi, de la bienveillance pour ses partenaires de vivre ensemble et leurs histoires bien plus chaotiques et douloureuses qu’on ne le croit. C’est pour cela qu’elle s’intéresserait à l’histoire, aux histoires de vie, à tout ce qui donne de la perspective au tableau. Oui, ce qu’elle aimerait réussir c’était dépasser une description plate de surface de son archive du monde à un moment donné, mais lui donner une profondeur d’âme et une perspective temporelle. Y parviendrait-elle ?

A propos de Danièle Godard-Livet

Raconteuse d'histoires et faiseuse d'images, j'aime écrire et aider les autres à mettre en mots leurs projets (photographique, généalogique ou scientifique...et que sais-je encore). J'ai publié quelques livres (avec ou sans photo) en vente sur amazon ou sur demande à l'auteur. Je tiens un blog intermittent sur www.lesmotsjustes.org et j'ai même une chaîne YouTube où je poste qq réalisations débutantes. Voir son site les mots justes .

Laisser un commentaire