# LVME # 12 | inventaire sur place

95 , 95 , 03 , 93 , 56, 75, 92, 85, 28, 95, 93, 95 : derniers chiffres sur les plaques d’immatriculation, lus depuis la fenêtre que vient de nettoyer la locataire du premier ;

Otis le nom auquel faire appel si problème d’ascenseur, placardé à côté du miroir, censé rassurer quand la porte en accordéon se referme et on se dit tiens, un prénom qui sonne américain, chaleureux à l’époque, comme Otis Redding dans The dock of the bay ;

désinsectisation : mot sur feuille blanche — avec jour et heure de passage — scotchée sur la porte d’en bas et le voisin qui dit : mieux vaut prévenir que guérir, quand il y a du cafard ;

sur dix-huit boites aux lettres, trois assorties du bandeau vert « pas de pub » et dans les dix-huit, les feuillets des promotions Auchan et compagnie

le nom de l’allée à cette époque-là : indiqué sous couvert d’une haie, juste après l’avenue des Noyers que personne ne connait ;

avec affichage numérique, nouveaux horaires du bus qui passe tous les quarts d’heure mais pas du tout le dimanche ;

Saint-Exupéry, le nom de l’école, écrit en petit près de l’entrée : les petits du quartier ont bien grandi, tous sont passés par là mais leur planète n’est pas exactement celle du petit prince ;

sortie de secours, lettres blanches fond rouge sur la porte de la grande surface donnant sur l’allée Gauguin, on se demande pourquoi ce ne serait pas le nom d’un groupe de rock alternatif ;

sur une feuille pliée en quatre, l’autre nom de Maron Maison ;

rendez-vous près du crapaud, sur le petit rond-point : phrase à peine lisible d’un message glissé entre les boites aux lettres ;

consignes de sécurité, plan à l’entrée pour évacuer le bâtiment en cas d’incendie mais rien dans la boîte rouge censée contenir la clé ;

flyer sur le parking, regroupant en fluo la liste des signes avant-coureurs de l’Apocalypse;

la dernière enveloppe de Has, sur un reste d’étagère, dans la cage aux encombrants, avec à l’intérieur un début de phrase : « si on me cherche… » ;

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

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